Vertige

Qui n’a pas été ‘secoué’ par les conséquences dramatiques d’un tremblement de terre ? Ou ému par un ouragan dévastateur ? Ou interpellé par une épidémie mortifère ? C’est une centrale nucléaire balayée par un raz de marée qui contamine toute une région ; une famine qui supprime les plus faibles ; un incendie qui raye de la carte tout un terroir … La nature se cabre : ouragans, tsunamis, pandémies, sécheresses …. Les hommes se fracassent : guerres, camps de concentration, attentats, otages … Tyrans, dictateurs, terroristes, kamikazes, fanatiques, islamistes, mages … Hitler, Pol-Pot, Coulibaly  …

Mais ces phénomènes effrayants, même s’ils laissent exsangue un coin de la terre, s’ils martyrisent une génération, un pays ou même un continent, ne brisent pas l’espoir d’une évolution positive et d’une amélioration possible. Par contre, des données plus sournoises, des éléments plus insidieux risquent de détruire encore plus sûrement et plus irrémédiablement toute notre planète ! Et si des prophètes honnêtes et courageux ne se lassent pas de les annoncer, de les signaler, ce sont les intérêts financiers des puissants, l’hypocrisie veule des dirigeants qui, hélas, s’imposent le plus souvent : eaux contaminées, terres dilapidées, air infecté … Car l’industriel a besoin du plastique pour ses emballages, le paysan du glyphosate pour ses cultures, le médecin de la chimie pour ses patients, le consommateur du gas-oil pour ses déplacements ! Tous sont ainsi complices plus ou moins consciemment ou volontairement ! Et ce sont les pays les plus industrialisés qui, avec le pétrole, le charbon, les armes polluent le plus alors que ce sont les habitants des pays les moins développés qui cherchent à survivre en émigrant chez ceux qu’ils devinent plus favorisés ….

Comme beaucoup, je m’indigne devant le manque de civisme des voyageurs qui abandonnent leurs détritus sur le bord des routes ou sur la plage. Mais je suis encore davantage irrité par les promesses hypocrites de recyclage des emballages par Coca-Cola ou les contrats d’innocuité des recettes de Bayer/Monsanto car ceux-ci ne pourront qu’être insuffisants pour satisfaire les besoins (souvent superflus ?) qui se démultiplient sans cesse. Ainsi les mers sont-elles envahies, en surface comme en profondeur par des déchets mortifères de toutes sortes. Si un nettoyage s’impose, il ne suffira jamais à supprimer les conséquences des imprévoyances et imprudences commises. Tous les produits chimiques de traitement, les médicaments absorbés finissent en partie au moins dans les égouts, les rivières et les mers avec nos épandages, nos déchets, nos rejets et même nos urines. Même filtrées, aseptisées, les eaux recueillies pour être consommées contiennent automatiquement des éléments encore dangereux, microscopiques ou indécelables. Si la nature est capable d’absorber ou réparer une partie de nos dégâts, elle mérite attention et respect car elle ne peut cautionner nos excès et nos fantaisies. Les additifs,  colorants, conservateurs, solvants, adjuvants, anti inflammables, anti odorants, anti oxydants … qui se lovent sournoisement dans les microparticules des détritus ne peuvent disparaitre totalement et nous en absorbons involontairement et automatiquement, directement dans nos boissons ou l’air que nous respirons, mais surtout indirectement par la chaine alimentaire avec les plantes ou les animaux que nous consommons … Et les souffrances de cancers qui se banalisent ne sont-ils pas au moins partiellement une conséquence indirecte de cette légèreté coupable ?

L’escalade de montagnes escarpées ou l’ascension d’arbres élevés ne me font pas peur. Par contre, j’ai un réel vertige devant les épreuves qui nous attendent et que les prochaines générations devront affronter. Quand, dans les années 70, avec l’association Nature et Survie (ci-dessus couverture de la revue n°23 en Février 1980 : « La montée des périls »), j’espérais une véritable révolution de notre consommation, je pensais que c’était encore possible. Je le crois de moins en moins, non pas parce que ce n’est plus possible mais parce que les enjeux actuels sont devenus trop cruciaux et que l’on refuse de les prendre réellement en compte. La démission du ministre de l’environnement Nicolas Hulot et ses larmes prémonitoires ne seront en effet bientôt qu’une péripétie vite oubliée mais puisse l’indignation qu’il a exprimée balayer et interpeller toutes les dissimulations et soulever au moins notre exaspération ! 

P.J. 2018 09

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