Quinze petits conseils sur la “méditation”

Michel  BENOIT 

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On appelle “méditation” la prière silencieuse (oraison), au delà des mots ou des idées, telle que la pratiquait Jésus, telle que l’enseigne avec précision le Bouddha Siddhartha, telle qu’en parlent (sans guère l’expliquer) les mystiques de toutes les religions.

1- Quand tu t’assieds pour méditer, ne cherche aucun résultat, ne te fixe aucun autre objectif que la méditation elle-même. Tu ne viens pas pour te dire en sortant : “Aujourd’hui, j’ai bien médité”. N’attends ni réconfort, ni satisfaction, ni lumières particulières. La méditation trouve en elle-même sa justification, sa joie et son accomplissement.

2- Tu n’es ni un athlète, ni un “parfait”, ni un connaisseur en choses spirituelles, ni un esthète : si tu médites, tu es un simple ouvrier qui accomplit une tâche de son mieux. Et si tu as le sentiment de n’être rien ou pas grand-chose, sache que c’est justement pour toi que la méditation est faite, et que Quelqu’un t’y attend.

3- L’exemple de Jésus, tout comme l’enseignement de Siddhartha, montrent que la vie ne peut pas se transformer en méditation sans ces moments, plus ou moins fréquents mais indispensables, de méditation assise. Exercice formel qui est à la rencontre de “Dieu” ce que la salle de musculation est au podium olympique. Viens te “muscler”, et attends-toi à l’effort.

4- Tu vas lutter pour faire le silence total des pensées, des imaginations, de la mémoire. Si tu en ressors épuisé, déçu de n’avoir rien obtenu, sache que tu as pleinement médité. Le combat pour la méditation est déjà une méditation. La récompense du silence viendra en son temps.

5- Tous ceux qui l’ont enseignée, et Siddhartha le premier, conseillent de chercher le silence des pensées par l’observation de la respiration. Méthode simple, méthode d’humilité, qui fait appel à la volonté la plus tenace. Dès que les pensées t’envahissent, reviens obstinément à l’observation de la respiration.

6- Par le silence des pensées, tu n’obtiens rien : tu te disposes simplement afin d’être réceptif à la Présence de Celui qui est au-delà de tout mot, de toute idée, de toute pensée.

7- Quand tu parviens au silence intérieur, le reste ne dépend plus de toi seul. Tu t’es seulement mis en présence de Celui qui est toujours présent, mais auquel c’est toi qui es habituellement absent. Tu n’as pas à invoquer la présence d’un “Dieu” quelconque, mais à te rendre présent à Celui pour lequel toi, tu es toujours “ailleurs”.

8- Établi dans le silence (et ce sera souvent par brèves périodes), tu n’es plus séparé de Celui-qui-est-sans-nom que par le mince voile des apparences quotidiennes : le monde tel qu’il va, pour nous qui ne voyons rien au-delà. L’Autre monde est là, que ton silence rend peu à peu présent. Tu n’en verras jamais rien, mais tu sauras.

9- Car quand l’esprit cesse sa tyrannie, quand s’apaise la ronde infernale des pensées, va s’éveiller en toi un organe nouveau, ton cœur. Depuis toujours il est là, ensommeillé, étouffé par la dictature des pensées importantes. Tu vas le sentir frémir, se mettre à battre imperceptiblement. C’est lui qui priera, qui saura dire “Abba, Père !”

10- Dès que tu l’as laissé revivre en toi, tu t’apercevras que ton cœur bat sans cesse. Tu comprendras cette phrase du Cantique, je dors mais mon cœur veille. Comme l’a vécu Jésus, comme l’explique Siddhartha (et bien d’autres), les va-et-vient de l’action ne te sépareront plus de la Présence fugitivement rencontrée dans l’instant du silence.

11- Et peut-être même alors les pensées, qui ne cessent jamais d’assiéger ton esprit, ne te gêneront plus trop : tu les observeras, tu les verras venir, vivre leur vie puis s’éteindre sans que ton cœur  ne cesse de battre. Tu auras appris, grâce à l’observation de la respiration, à prendre de la distance par rapport aux pensées – et à toi-même.

12- Si enfin, lassées de te voir si peu réactif à elles, les pensées restent un jour au garage, sache que tu es tout près de l’Éveil décrit par Siddhartha, du Royaume promis par Jésus.

13- En attendant, ne t’effraye pas de voir se lever, au moment de la méditation, l’armée combattive des démons. Multiformes, nombreux, d’autant plus efficaces qu’ils te connaissent puisque tu leur as laissés place en toi, ils n’ont qu’un objectif : t’empêcher de méditer. Parce qu’ils savent que la moindre de tes avancées dans le chemin vers le silence intérieur est le commencement de leur défaite.

14- La méditation ressemble donc souvent à un champ de bataille. Tu es face à une armée organisée, déterminée. Es-tu seul ? Jésus au désert ne l’était pas, Siddhartha sous son arbre non plus : tu ne seras pas seul. Tu découvriras par toi-même ceux qui combattront avec toi, à tes côtés, surtout si tu les appelles à la rescousse. Mais ne les appelle pas avec des mots et des idées, laisse parler ton cœur, il saura faire.

15- Quand ton cœur s’éveillera, tu découvriras que le combat de la méditation n’est un acte de volonté qu’en ses débuts : elle deviendra un acte d’amour, et d’amour pur, tel que les humains en ont rarement idée.

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