Liberté

Par Michel Théron

Des jeunes collégiennes et lycéennes ont réclamé celle de s’habiller comme elles le veulent pour venir en classe.

Face à elles, le ministre de l’Éducation a dit qu’elles devaient porter une tenue « républicaine ». Mais la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes l’a contredit, en affirmant : « En France, chacun est libre de s’habiller comme il le veut. » (Source : nouvelobs.com, 22/09/2020)

Je suis absolument d’accord avec le premier, même si je ne sais pas très bien ce qu’est une tenue « républicaine ». Et je désapprouve totalement ce qu’a dit la seconde, dont l’opinion me semble ici totalement irréfléchie.

En effet, dans un pays policé au moins, nul n’est libre de s’habiller comme il le veut en n’importe quel endroit. Suis-je libre vraiment d’aller en short à un enterrement, ou à un entretien d’embauche ? Je rencontrerai inévitablement la réprobation dans le premier cas, et l’échec dans le second. Cette liberté qu’on voit réclamer ici est purement formelle, elle ne songe pas aux nécessaires présupposés de la tenue, qui doit être adaptée à tel ou tel lieu. Le maillot de bain est pertinent sur la plage, mais inapproprié ailleurs dans l’espace public, où il s’expose même à des sanctions. 

S’agissant de l’école, ce n’est pas un lieu comme les autres. Elle doit être sanctuarisée, tenue à l’abri du vacarme social environnant. C’est un lieu où l’on va pour s’instruire, et non pas comme on le dit de façon démagogique un « lieu de vie ». La vie, son épanouissement ou son assujettissement, comme on voudra, c’est ailleurs qu’on les trouve. 

Je serais assez pour qu’on retrouve à l’école l’usage de l’uniforme ou de la blouse, qui garantit l’égalité entre les élèves, en gommant leurs différences sociales, et empêchant la surenchère consommatrice ainsi que la soumission aux diktats de la mode, qui est une caricature de la liberté. Son mérite aussi serait de désexualiser les corps, pour éviter provocations vestimentaires et tentations qui ne sont pas toujours propices au désir d’apprendre. Je parle ici d’expérience, en tant qu’ancien professeur de l’enseignement public.

La liberté n’est pas la licence. Il faut la limiter dans des situations concrètes. Bien comprise, elle permet d’intégrer les frustrations et d’établir la paix civile. Nos jeunes filles revendicatrices vérifient ce que dit Montesquieu dans De l’esprit des lois : « On était libre avec les lois, on veut être libre contre elles. »

Michel Théron

http://www.michel-theron.fr/2020/09/liberte-suite.html 

Article Golias Hebdo n°640 du 7 octobre

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