Lettre à mes enfants éloignés de l’Église –
Antoine Nouis, pasteur ;
Éditeur Labor & Fides –
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Extraits du livre :
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Ce livre n’est pas un testament parce que je n’ai pas encore fini ma vie, j’ai simplement mis sur le papier ce qui relève de l’essentiel pour moi.
Le bonheur, ce n’est pas de ne pas travailler, mais de travailler sans pression : je savoure ce privilège.
L’heure de la retraite, c’est aussi l’heure du bilan …
Je sais que le monde dans lequel vous vivez n’est plus celui dans lequel vous êtes nés et qu’il aura encore changé lorsque vos enfants deviendront adultes.
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La transmission
Si la famille est un lieu privilégié de transmission, alors cette transmission passe plus par la vie et ce qui est vécu ensemble que par les discours.
« Sans transmission, il n’y a plus de mémoire des origines, plus de projections dans le futur, il n’y a plus de culture et nous basculons dans la barbarie. » Nathalie Sarthou-Lajus (Le geste de transmettre, Paris, Bayard, 2017)
Le but de la transmission n’est surement pas d’empêcher nos enfants de vivre leurs aventures, mais d’espérer qu’ils gardent la mémoire de ce qu’on a vécu en famille et du pain qu’il y avait à notre table.
A travers la vie quotidienne, l’enfant apprend l’hospitalité, la place de l’autre et du différent, il va sentir si un étranger est une chance ou une menace, il va découvrir la générosité ou l’avarice, l’autorité et la liberté, la part du possible et du souhaitable, le sens de Dieu.
Transmettre, ce n’est pas forcer, c’est éventuellement montrer une direction, c’est dire et c’est laisser partir à l’image du père de la parabole qui a accédé à la demande de son fils lorsqu’i lui a demandé sa part d’héritage avant l’heure.
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La foi
La foi est toujours une histoire d’amour, elle est la reconnaissance que ma vie et mon histoire sont entourées dans le temps et dans l’espace par une parole, une présence, une grâce qui m’accueille inconditionnellement et qui m’envoie.
La foi ne réside pas dans la guérison, mais dans la capacité à rendre grâce pour une bénédiction reçue.
Je n’ai pas eu la lèpre, mais d’autres maladies et le simple fait d’être vivant à mon âge témoignent de quelques guérisons.
Un Psychiatre disait que tous les jours dans son cabinet, il entendait la question « Pourquoi le mal ? », mais que jamais dans sa carrière on ne lui avait posé la question : « Pourquoi le bien ? » Après un temps de réflexion, il ajoutait que peut-être que ceux qui se posent cette seconde question n’ont pas besoin d’aller chez le psychiatre.
Il est important d’avoir des lieux où les relations entre parents et enfants sont plus larges que dans les familles nucléaires.
Quand elle est au service du bien, la fidélité est la vertu essentielle qui permet à notre monde de tenir debout : que serait la justice sans la fidélité des justes ? La paix sans la fidélité des pacifiques ? L’amour sans la fidélité des amoureux ? Il ne se fait rien de grand dans le monde sans la fidélité.
Jésus ne définit pas la foi comme une croyance, mais comme une habitation, une fidélité.
Qu’est-ce qui fait qu’on croit ? Cela relève du mystère de l’intime de chacun. La foi ne m’appartient pas, en revanche, ce qui m’appartient, c’est ma fidélité. Si je suis fidèle, c’est parce que j’ai confiance que ma fidélité nourrit ma foi.
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La vocation
Goethe a écrit que « l’homme le plus heureux est celui qui peut relier la fin de sa vie avec son commencement ». Si l’on se réfère à ce critère, je suis un homme heureux. Parfois je e dis : qu’est-ce que l’homme que j’étais à 20 ans dirait de celui que je suis devenu à 70 ans ? Lorsque j’imagine la conversation avec celui que j’étais, j’entends une ferveur que je veux cultiver et je voudrais lui communiquer un peu de sagesse que la vie m’a apprise.
« Que chacun sache et prenne en considération que par nature, il est unique au monde et qu’aucune personne identique à lui n’a jamais vécu, car si une personne identique avait déjà vécu avant lui, il n’aurait pas besoin d’être. » Martin Buber (La légende du Baal-Shem, Monaco, Editions du Rocher, 1993)
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La grâce
L’action de grâce est à la base de la spiritualité du judaïsme. La journée du fidèle est ponctuée de petites prières de reconnaissance pour : le soleil qui s’est levé, la maison qui abrite, le habits qui vêtissent, le pain qui nourrit, l’eau qui désaltère, la rencontre d’une belle personne qui illumine …
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La liberté
Ce n’est pas propre à mon Eglise : la logique de toutes les institutions est souvent de privilégier leur fonctionnement au détriment des convictions qui les fondent.
L’organisation est nécessaire, mais alors comment être une Église qui se veut au service d’une parole qui a contesté toutes les institutions de son époque ? Cette contradiction devrait être une brûlure et une source de remise en question permanente pour les responsables d’Église.
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L’amour
L’amour de Dieu n’est pas une idée, c’est une parole que nous avons besoin d’accueillir comme la parole la plus importante qui nous a jamais été dite ;
Comment dire Dieu en trois mots ? Dieu est amour (1Jn 4,8)
Comment dire l’homme devant Dieu en cinq mots ? Tu es aimé de Dieu (Rm 1,7)
Comment dire l’agir chrétien en sept mots ? Aime et fais ce que tu voudras (saint Augustin).
Comment dire la vocation chrétienne en une quinzaine de mots ? Au soir de notre vie, c’est sur l’amour que nous serons jugés (Jean de la Croix)
Comment dire l’Eglise en une phrase ? C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous reconnaitront que vous êtes mes disciples (Jn 13,35)
Un poème inspiré de Prévert résume cette ambivalence de l’amour : « Tu dis que tu aimes les fleurs et tu les coupes, tu dis que tu aimes les poissons et tu les manges, tu dis que tu aimes les oiseaux et tu les mets en cage, quand tu me dis : « Je t’aime, j’ai peur. »
Aimer son prochain, c’est lui donner de la vie, l’aider à grandir dans toutes les dimensions de sa vie.
Toutes les idéologies qui reposent sur le bien se sont dévoyées lorsqu’elles ont cherché à l’imposer et à faire le bonheur des hommes malgré eux.
Tous les systèmes, qu’ils soient religieux ou politiques, qui ont voulu imposer le bien ont fini dans la tyrannie.
La bonté nous invite à interroger nos désirs et à les exaucer pour notre prochain. Tu veux être aimé, aime ; tu veux être écouté, écoute ; tu veux être honoré, honore ; tu veux être aidé, aide ton prochain.
Dire que Dieu est amour, c’est affirmer que son plus grand désir est que nous puissions développer notre vie dans toutes ses potentialités.
Il est possible -certains disent probables- que dans les décennies qui viennent, notre monde soit confronté à de grandes catastrophes climatiques et humanitaires dont nous voyons déjà les prémices.
Seul l’amour que se portent ceux qui se soutiennent les uns les autres permet de tenir debout. C’est au moment où le monde vacille qu’il faut être ferme sur ces principes, dont le plus grand est l’amour des petites choses en prêtant attention aux marques de soutien et aux gestes de fraternité.
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L’espérance
Si l’on en croit les collapsologues, le réchauffement climatique et la réduction de la biodiversité engendreront une série de crises énergétique, économique, géopolitique, démocratique … Ont-ils raison ? N’ayant pas la connaissance du futur, je ne peux répondre à cette question. Ce que je sais de l’ingéniosité de l’humain me laisse espérer une capacité d’adaptation, mais ce que je sais de sa bêtise me fait craindre le pire.
« Nous pourrions abandonner tout, sauf l’espérance. »
Franz Rosenzweig, philosophe juif
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L’espoir relève de l’optimisme. On a l’espoir qu’on va être épargné par le grand malheur, que les choses vont s’arranger, que tout finira bien. L’espérance est dans un autre registre, elle n’est pas la conviction que les choses vont bien tourner, mais la certitude qu’il y a une expérience à vivre et une présence à accueillir en toute situation.
Certaines périodes de notre vie peuvent ressembler à de longs hivers, mais il n’est pas d’hiver qui n’ait débouché sur un printemps, de même qu’il n’est pas de nuit qui n’ait donné naissance à un nouveau jour.
L’espérance est une proclamation de vie plantée dans la désespérance de notre monde. Espérer est une attitude résurrectionnelle, insurrectionnelle contre la fatalité des œuvres de mort.
Face à la souffrance de l’humanité, aux guerres, aux génocides et à nos deuils, il faut se redire : la victoire est certaine. Dans tous nos combats pour la vie, il ne faut jamais se laisser détourner de l’assurance que la victoire est certaine.
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La mort
La mort fait peur et c’est normal. Il est difficile de penser la non-existence, car si l’on pense, c’est qu’on existe !
La pensée de la mort nous renvoie à l’extraordinaire de la vie.
« L’idée de la mort nous fait peur ; nous cherchons par tous les moyens à la bannir de notre horizon. Pourtant paradoxalement, elle confère sens et valeur à la vie. C’est la conscience de la mort qui transforme chaque vie en un destin singulier … Par conséquent, au lieu de nous accrocher seulement à ce côté de la vie, et de dévisager la mort comme une fin absurde, nous devrions intégrer la mort dans notre vision globale et envisager la vie à la lumière de notre mort, conçues comme le fruit de toute notre expérience de vie. »
François Cheng
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Pendant la seconde guerre mondiale, Etty Hillesum côtoie et accompagne les prisonniers qui se préparent à être déportés. La perspective de la mort est omniprésente :
« Regarder la mort en face et l’intégrer comme partie intégrante de la vie, c’est élargir cette vie. A l’inverse, sacrifier dès maintenant à la mort un morceau de cette vie, par peur de la mort et refus de l’accepter, c’est le meilleur moyen de ne garder qu’un pauvre petit bout de vie mutilée, méritant à peine le nom de vie. Cela semble un paradoxe : en excluant la mort de sa vie, on se prive d’une vie complète, et en l’accueillant on élargit et on enrichit sa vie. »
Etty Hillesum, Une vie bouleversée (Seuil, 1985)
Vivre la mort signifie vivre en toute conscience dans le présent, et recevoir chaque goutte de vie comme un cadeau incroyable.
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Oscar Wilde a écrit que « les enfants commencent par aimer leurs parents ; devenus grands, ils les jugent ; quelquefois, ils leur pardonnent. » Je sais que je peux compter sur votre pardon.
Je suis fier des adultes que vous êtes. La plus belle chose que je peux vous souhaiter est d’être authentiquement vous-mêmes et de vivre en harmonie avec ce qu’il y a de plus profond et de plus vrai dans chacune de vos personnes.
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