Franchise

par Michel Théron

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C’est pour beaucoup une qualité, et je reconnais qu’elle est appropriée à certaines situations. Mais pas à toutes. Dernièrement en effet notre président, répondant à une question qui lui a été adressée, a évoqué la possibilité d’envoyer des troupes combattre aux côtés des Ukrainiens. Mais dès le lendemain la plupart des dirigeants européens ont démenti cette option, en disant qu’aucun soldat de l’OTAN ne participerait à cette guerre. Je me pose donc la question de savoir, si erreur il y a, qui a pu la faire dans cette situation.

Le président français d’abord. Il aurait pu, tout en maintenant sa menace, rester dans le vague, ne pas prononcer le mot de « troupes » qui d’ailleurs ne figurait pas dans son exposé en forme. Il faut toujours laisser planer le doute pour alarmer l’adversaire, le faire réfléchir. Le jeu de poker est un bon modèle, qui se base sur l’indécision : on ne sait jamais si la menace est réelle, ou si elle participe du bluff. Le résultat est efficace.

Mais quand même les plus fautifs sont à mon sens les dirigeants européens qui l’ont durement contredit, et spécialement le chancelier allemand. Jurer ses grands dieux que jamais il n’y aura une participation militaire occidentale à ce conflit, c’est totalement faire le jeu de l’adversaire et capituler à l’avance devant lui. Il comprendra clairement que cette promesse est marquée par la peur de représailles, de la part d’un pays possesseur de l’arme nucléaire.

Que l’on ait peur à la perspective d’un élargissement incontrôlable du conflit, je le comprends. Mais il ne faut pas le montrer de cette façon, avec une franchise désarmante. Je pense aussi à l’annonce du président états-unien au début de ce conflit, quand il a dit qu’aucun soldat américain ne foulerait le sol de l’Ukraine. C’était là évidemment rassurer le président russe, et autoriser l’invasion.

Il faut y regarder à deux fois avant de tout dire. Parfois simplement maladroite, la franchise peut aussi être dangereuse quand elle est signe de faiblesse. Cette naïveté, cet irénisme ont de quoi plaire au régime russe, qui ne comprend que les rapports de force. Il vaut mieux au contraire lui montrer sa détermination, son souci de ne pas lâcher un pays qui demande la démocratie, et combattre aux côtés de ce dernier sans forcément dévoiler d’avance toutes ses armes. Car si on se bat, on peut perdre. Mais si on ne se bat pas, on a déjà perdu.

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