Emerveillé, interpellé … et tiraillé !

Emerveillé, interpellé mais tiraillé, l’homme assumera-t-il ses responsabilités ?

1° Emerveillement

Sans doute, comme moi, avez-vous été bousculés, émerveillés par les observations qui se présentaient à vous lors de promenades : le spectacle du haut d’un point de vue ou, tout naturellement, par exemple, l’observation de la richesse d’un sous-bois, l’activité d’une fourmilière, la fraicheur d’une cascade. Les vacances nous permettent plus facilement ces découvertes spontanées à la fois si naturelles, si majestueuses qui sont pourtant assez banales. Les télescopes nous permettent aussi de deviner un peu le merveilleux dans l’immensité de la voute céleste avec des astres innombrables et qui se coordonnent avec une précision d’horloges. Ces espaces infinis ne réduisent pas sur notre planète les forces du ciel qui permettent à l’eau de circuler sur tous les continents, au gré des vents dominants. Avec les courants océaniques qui transportent les nutriments essentiels à la vie …

Les scientifiques n’ont pour le moment identifié dans l’univers qu’une seule planète abritant une telle richesse de vie : la Terre. Sa beauté et son extraordinaire diversité sont le fruit de la rencontre entre des forces puissantes et indomptables : l’énergie du soleil, les volcans, le climat et les courants océaniques. C’est dans leur alliance parfaite que réside le secret de la vie. Ensemble, elles sont les alliées indispensables à l’équilibre si fragile de la nature. Des déserts les plus arides aux confins des terres polaires, les forces de la nature ont créé les milieux les plus extrêmes. Dans ces environnements hostiles, les animaux rivalisent d’ingéniosité pour s’adapter. François Morel décrit calmement cette étonnante réalité dans le film « Une planète parfaite – Du ciel aux océans »[1].

2° Interpellation

Devant cette merveille de la nature, comment ne pas se laisser interpellé par la violence des épisodes de canicule et de sécheresse vécues dernièrement en France et en Europe, par ces bourrasques, typhons ou inondations qui sévissaient uniquement il y a peu sous les tropiques et par ces nombreux feux de forêts effrayants que l’on peine à maitriser malgré les énormes moyens et les outils sophistiqués déployés. Le changement climatique prévu et annoncé depuis de si nombreuses années ne peut plus être une illusion, il est devenu notre compagnon obligé d’aventure. La situation planétaire ne peut plus nous permettre de repousser les échéances. Il est important de réfléchir aux réponses possibles pour nous adapter à cette nouvelle donne en changeant chacun à notre propre niveau nos modes de vie …

Notre conception occidentale d’une nature détachée du monde humain, d’une nature autonome, avec ses propres lois, est probablement l’une des causes de la crise écologique actuelle. Otto Schäfer, botaniste et éthicien de l’environnement, qui est également docteur en théologie, s’exprime :

 « La Bible elle-même parle assez peu de nature, mais plutôt de Création. Avec la Création, il y a l’idée, essentielle, d’une double relation, avec le Créateur et surtout entre les créatures, dont l’humain. Plutôt que de nature, je parlerais donc de « communion terrestre ». Et cette communion terrestre est aujourd’hui profondément perturbée.

La tentation est d’investir dans l’adaptation au réchauffement climatique, mais je crains que ce ne soit qu’une manière de fuir la nécessité douloureuse de changer de comportement. La priorité reste de changer notre façon de consommer, d’être au monde. Car s’adapter, cela coûte cher. Certes, cela peut ouvrir des opportunités économiques, mais avec un réchauffement qui ne cesse de progresser, la pression d’adaptation augmente, donc son coût, sans parler des nombreuses incertitudes liées à l’utilisation de techniques que nous ne maîtrisons pas encore. »

Nos comportements et nos mentalités ne changent pas facilement car rien n’est simple à ce sujet, et beaucoup dépend d’accords internationaux, d’une gouvernance planétaire où les intérêts des uns ne sont pas nécessairement ceux des autres … Quand les négociations climatiques entre États s’enlisaient, ces dernières années, certaines régions et municipalités s’en sont emparées. On pense parfois qu’il est illusoire de prétendre agir tant que les choses ne progressent pas à l’échelle internationale. Au contraire, on peut et on doit se mobiliser ! [2]

3° Tiraillement

En 2020, dans une France confinée, au pic des contaminations, l’idée de reconstruire après la pandémie un monde plus juste et plus écologique a émergé. Que reste-t-il maintenant de ces intentions louables ? Le sociologue Rémy Oudghiri, spécialiste de l’évolution des valeurs, des modes de vie et de consommation, fait part de ses observations :

« La société était à l’arrêt et on était dans des conditions qui nous permettaient de réfléchir à autre chose, une consommation plus responsable, une société meilleure. C’étaient de bonnes intentions, mais au fur et à mesure de la levée des restrictions, l’élan s’est ralenti, puis arrêté. Nos études démontrent que les intentions écologiques ont progressé, mais que les comportements n’ont pas suivi. Il y a bien une prise de conscience de l’urgence écologique – notamment avec les rapports du Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] – mais dans les faits, depuis le début de l’année, on constate des comportements en recul. »

Choisir le changement ou poursuivre la consommation aveugle …

Le « monde d’après » souhaité ressemble en réalité au monde d’avant, mais avec des contradictions exacerbées . . . La sortie de crise débouche sur une société très divisée et l’on retrouve, schématiquement, trois types de comportements :

Tout d’abord, une première catégorie, à fort pouvoir d’achat, qui a envie de retrouver une forme d’insouciance en « rattrapant » tout ce dont elle a pu être privée. C’est ce qui explique les records actuels en matière de tourisme et de transport aérien.

Un second groupe, de la même classe sociale, plutôt aisée et urbaine, est lui davantage conscient de l’urgence écologique et de la nécessité de changer son mode de vie. Il « fait attention », mange bio, circule à vélo ou en train, etc. La crise sanitaire et la guerre en Ukraine, avec les pénuries, l’ont conforté dans son engagement en faveur de l’environnement et de la biodiversité.

Enfin, un dernier groupe, plus important, subit la montée du prix du carburant, de l’alimentation, de l’énergie… Ces ménages, qui vivent principalement dans des territoires périurbains ou ruraux mal desservis par les transports en commun, restent dépendants de la voiture, et sont obligés, à cause de l’inflation, de faire des arbitrages économiques ou de se rabattre sur des produits « premier prix », par exemple.[3] 

Ce chacun pour soi ne joue hélas pas en faveur d’une protection réelle de la planète . . .

Le changement climatique est pourtant là et pour respecter les merveilles de la « nature – création » dont nous faisons partie, il y a urgence et nous ne pouvons plus repousser les bouleversements indispensables. Malgré les tiraillements et peut-être une cupidité voilée, comment saurons-nous dépasser nos propres intérêts matériels spécifiques pour répondre à l’intérêt écologique général indispensable ? Comment collectivement et individuellement, à tous les niveaux, mondial, continental, régional, local et personnel, allons-nous enfin vraiment réagir ?


                   Pascal JACQUOT

PS : Si vous souhaitez prolonger votre lecture par un petit conte d’été pour un monde en perdition « La fleur du jardinier » écrit il y a longtemps par Michel Benoit pour des enfants, cliquer : http://michelbenoit-mibe.com/2022/08/la-fleur-du-jardinier-petit-conte-dete-pour-un-monde-en-perdition/


[1] Ce film a été programmé sur France 2 les jeudis 28 juillet et 4 août 2022.

[2]  Extraits de Réforme n° 3957 du 28/07/2022 avec l’invité Otto Schäfer

[3]  Extraits de Réforme n° 3957 du 28/07/2022 avec l’invité Rémy Oudghiri

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