Education – A Contre-courant –
Par Michel Théron – https://www.michel-theron.fr
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Les violences urbaines qui se sont déchaînées dans notre pays ces derniers jours ont mis en scène de jeunes adolescents. On a proposé comme cause du phénomène un manque d’éducation parentale. Beaucoup de parents en effet ne réfléchissent pas qu’en ayant des enfants ils ont aussi la responsabilité de les élever jusqu’à l’âge adulte. Et cette tâche est quasi infinie, ce qui faisait dire à Péguy que les parents étaient les aventuriers du monde moderne.
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Certains parents délèguent cette tâche au système scolaire. Mais c’est se déresponsabiliser. L’école a comme premier but, non pas l’éducation, mais la transmission des connaissances. Ce n’est pas pour rien qu’autrefois son ministère s’appelait celui de « L’Instruction publique ». La dénomination actuelle d’« Éducation nationale » brouille fâcheusement la question.
En outre, du fait de l’air du temps, naïf et angélique, l’éducation se veut non traumatisante, et en fait sans sanction réelle, comme l’a bien montré Gilles Lipovetsky dans son livre : Le crépuscule du devoir – L’éthique indolore des temps démocratiques (2000). On sait les conséquences fâcheuses de la loi de 2019 contre la violence éducative : l’enfant roi peut devenir l’enfant tyran.
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Bien sûr la carence éducative n’est pas la seule cause du déchaînement de violence. Mais lorsqu’on veut le « comprendre » en le ramenant à l’influence essentielle d’un déterminisme social pesant sur les « jeunes » en question, on fait fausse route.
On transforme le coupable en victime : ce n’est pas ma faute, j’ai cassé, certes, mais c’est parce que je n’ai pas de « perspective » dans ma vie. La victimisation systématique du coupable oublie par exemple qu’un autre, qui sera exactement dans la même situation sociale que lui, ne le sera pas devenu.
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Cette vision bien-pensante, propre à une certaine gauche « bo-bo » (bourgeois-bohême), qui n’habite pas en outre ces quartiers, revient à nier la liberté individuelle, au profit d’un déterminisme déresponsabilisant. Ce qui compte ici, c’est l’image qu’on se fait de l’homme : pur jouet des circonstances, ou capable de conscience et de liberté.
Pascal Bruckner avait naguère parlé, pour caractériser l’état actuel de nos mœurs, de la Tentation de l’innocence (1995): ainsi la victimisation du délinquant aboutit-elle en réalité à en mépriser les ressources et l’âme profondes, et donc à sa définitive infantilisation.
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Michel Théron