Démocrature

On ne peut ignorer toute la chance que nous avons d’habiter, de vivre dans un pays où l’on peut s’exprimer librement, organiser des rencontres ou échanger des idées sans crainte … Tous ceux qui ont voyagé ou exercé un moment une activité dans une contrée contrôlée, surveillée par des services étatiques pointilleux et parfois féroces, apprécient peut-être encore davantage ce droit !

Il ne faut en effet pas se tromper et confondre démocratie et dictature ! Ou accuser de dictature une démocratie qui applique des règles absolument nécessaires. Toute vie collective impose une organisation et, pour fonctionner efficacement, une démocratie a des exigences et doit rechercher des modalités communes car, on le sait, la liberté des uns ne doit pas dégrader celle des autres. Il est donc important de bien distinguer les valeurs individuelles que chacun peut ou devrait pouvoir vivre sans crainte et les valeurs collectives que l’on peut aussi imposer à tous avec certaines modalités !

Un régime politique qui, tout en ayant certains attributs de la démocratie, comme le pluripartisme, n’en est pas moins dirigé d’une façon autoritaire, voire dictatoriale, peut ainsi être accusé de « démocrature ». Les pays qui, sous couvert d’institutions présentant des aspects formels de démocratie, sont en réalité gouvernés par un seul ou un petit nombre, dans des conditions non démocratiques, sont donc des démocratures : par exemple la Russie, l’Algérie et l’Égypte mais aussi plusieurs pays d’Afrique souffrant de pratiques dictatoriales de la part de dirigeants pourtant élus apparemment démocratiquement…

Nos démocraties européennes elles-mêmes respectent-elles bien les objectifs qu’elles se sont fixés ? Elles pourraient certainement facilement les améliorer mais en ont-elles vraiment le désir ? Les constitutions, les lois discutées semblent le manifester mais le blablabla envahit souvent les échanges et dissimule parfois l’essentiel. Car les régimes des pays occidentaux, sous une apparence populaire mais une réalité libérale, n’imposent-elles pas un système économique plus dictatorial que démocratique ? Les pauvres, les exclus, les chômeurs peuvent-ils approuver le système effréné de la concurrence, de Goliath contre David ? La dictature de la finance nous offre-t-elle un véritable choix et permet-elle au moins le respect des plus fragiles, des plus faibles ? Ne nous impose-t-elle pas son modèle comme le moins mauvais parce que seulement efficace ?

La réponse actuelle des Ehpad privés[1] à ce propos n’est qu’un exemple mais ne laisse pas d’ambiguïté. Sous la douce appellation de « maison de retraite », l’Etat permet l’insupportable en confiant les derniers jours de nos ainés à la finance plus soucieuse du rapport de l’argent investi que du respect des personnes. L’Etat sait bien sûr ce qui se passe dans les Ehapd mais aussi dans les hôpitaux, les prisons, les écoles, les usines, les campagnes … Il sait mais il ne réagit que lorsque la colère des manifestations, parfois la violence, l’obligent à agir ! Le voile de la démocratie, toujours perfectible, ne dissimule-t-il pas alors aussi une démocrature qui feint la bonne volonté pour cacher son hypocrisie ?                                                                       

Pascal JACQUOT

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