Blasphème

Le tableau dénommé Festivité, présenté lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris, a suscité les critiques de l’épiscopat français ainsi que des mouvements d’extrême droite. On y a vu une parodie, dans un esprit woke (critique démystificatrice), du tableau célèbre de Léonard de Vinci La Cène. Ce dernier est censé représenter le dernier repas Jésus avec ses disciples, avant qu’il affronte sa Passion. Or le tableau parisien montrait, sur un pont enjambant la Seine, debout de part et d’autre d’une DJ arborant une couronne auréolée, des drag queens, accompagnées de danseurs et de performeurs, se préparant à défiler un à un sur le pont. Interrogé à France Inter, un metteur en scène de l’événement a défendu un tableau prônant le « vivre ensemble » et l’idéal inclusif de la culture française. 

Bien sûr rien n’y peut faire, et il n’est pas étonnant qu’on ait vu dans la chose un « blasphème » et un « sacrilège », comme sur le site de Tribune chrétienne. L’irréflexion est si partagée ! Et pourtant…

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D’abord le tableau de Vinci ne nous met pas face à face avec ce qu’il en fut du dernier repas de Jésus. C’est une mise en scène, née de l’imagination du peintre. Qu’on puisse prendre ce tableau comme une relation historique fidèle, montrant ce qui s’est réellement passé, montre bien l’étourderie de beaucoup de gens. Et critiquer la mise en scène de l’événement parisien est oublier qu’elle ne fait allusion qu’à ce qui est déjà une mise en scène, une autre représentation.

Plus radicalement, comprendra-t-on enfin qu’on n’a affaire dans ce domaine qu’à des opérations de langage (visuel ou verbal), qui n’est jamais ce qu’il désigne ? L’image d’une pipe n’est pas une pipe, et le mot chien ne mord pas. Crier ici au blasphème est être prisonnier de l’illusion référentielle, qui fait prendre ce qu’on voit ou dit pour les choses elles-mêmes.

Et c’est aussi être idolâtre, prendre la statue ou « l’image taillée », comme dit la Bible, pour Dieu lui-même. Ce dernier échappe de toute façon à toute représentation qu’on en peut faire. Ce n’est pas pour rien qu’ici la levée de boucliers s’est faite dans les milieux catholiques traditionalistes, alors qu’on n’a rien constaté de tel chez les protestants. Ces derniers font bien la différence entre une quelconque représentation de Dieu et sa réalité. Un minimum de discernement le montre, quand on n’est pas aveuglé par l’émotion irréfléchie.

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Michel Théron  

https://www.michel-theron.fr

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