« Appartenir à » ou « sortir de » l’Église ?

Et pourtant, je continue à appartenir à l’Église catholique ! ... Et pourtant, je sors de l’Église catholique ! ...

Deux articles successifs qui se répondent …

1- Et pourtant, je continue à appartenir à l’Église catholique !

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Publié le 8 février 2023 par « Garrigues et Sentiers »

http://www.garriguesetsentiers.org/2023/01/et-pourtant-je-continue-a-appartenir-a-l-eglise-catholique.html

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Et pourtant… les objections sont nombreuses, avec les scandales actuels de la pédophilie qui révèlent un malaise venant de plus loin : quelque chose « ne tourne pas rond », car le fonctionnement individuel ou collectif de la sexualité témoigne d’un bien-être ou d’un mal-être plus profond. Ce mal-être provient en partie d’un mode de management et d’exercice du pouvoir issu d’un modèle patriarcal où le pouvoir était tenu par une petite caste d’ hommes : c’est encore le cas dans l’Église officielle, même si la pratique sur le terrain peut être différente, où les décisions importantes sont prises par des hommes (quelle que soit leur valeur individuelle) en conclaves ou conciles (pape, cardinaux, évêques, prêtres soumis à l’obligation de célibat) et sont à exécuter par les « fidèles laïcs ». J’ai personnellement pu constater la fermeture de la Curie, au moment du concile Vatican II ; la même opposition, même si les hommes ont changé, se dresse contre le pape François, qui, avec ses propres limites, essaie d’être témoin d’une autre Église. Dans la plupart des autres églises, les femmes peuvent avoir des postes de commandement. C’est ici que je fais le lien entre célibat et pédophilie, non pas qu’il y ait un lien automatique, mais la psychanalyse nous dit que lorsqu’on veut imposer autoritairement un seul mode pour vivre sa sexualité, celle-ci se venge toujours.

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Mais plus encore, ce malaise vient du décalage culturel qui existe entre l’Église officielle et le monde d’aujourd’hui, concernant une certaine conception du « dépôt de la foi » consistant en vérités révélées dont l’Église aurait la clé : « hors de l’Église pas de salut », comme si la vérité consistait d’abord en des savoirs ou dogmes : on parle « de Dieu » comme d’un objet qu’on connaitrait, d’un « droit naturel » valable quelle que soit l’époque. Le décalage semble très rapide entre la communauté que Jésus Christ a voulu fonder et l’institution de plus en plus centralisée qui en a découlé. Celle-ci s’est appuyée surtout sur Mathieu 16,18 ss, « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église », dont les études actuelles montrent que ces versets ne relèvent très probablement pas du Jésus historique mais de la communauté mathéenne plus tardive. À force de parler de « Dieu » et de sa volonté, l’institution risque de ne plus l’écouter et de ne plus parler « à Dieu ».

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Et pourtant je me sens profondément solidaire de l’Église Catholique.

D’abord parce qu’aucun mouvement important concernant des hommes ne peut se réaliser sans organisation et institution même si, par leur nature institutionnelle, elles s’écartent des intuitions du fondateur ; ces institutions, avec leurs rites et règlements sont nécessaires ; il faut vivre avec ces tensions entre les intentions du fondateur qu’on ne connaîtra jamais qu’à travers les témoignages de ses disciples et leur incarnation dans des réalités historiques ; c’est une autre forme de la tension entre morale de convictions et morale de responsabilité.

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Car, malgré tous ses défauts, c’est par cette Église que j’ai reçu, à travers mes parents et tous ceux qui l’ont permis de se développer, cette foi en Jésus-Christ et par elle de découvrir la bonne nouvelle de l’Évangile.  Ils m’ont communiqué une parole de vie que je n’ai jamais trouvée ailleurs. De même que je me sens, malgré tous ses défauts et limites de ma famille humaine, profondément solidaire de celle-ci, parce qu’elle m’a donné la vie, de même je reste profondément attaché à l’Église parce qu’elle m’a donné la Vie.

Son histoire, en même temps que celle de scandales, est jalonnée par une série de figures, saints (canonisés ou non), mystiques, docteurs réfléchissant leur foi, hommes et femmes ordinaires essayant de vivre et de faire vivre autour d’eux cet amour de Dieu et cet amour du frère révélé dont l’Évangile voit la source dans l’amour même de Dieu pour les hommes. En regardant tout l’apport de la chrétienté à l’humanité, malgré toutes ses déviations et perversions, notamment en faveur des pauvres, des malades, de l’éducation ; en étant témoin aujourd’hui encore de la qualité de l’engagement de nombreux chrétiens, prêtres, religieux, religieuses, laïcs, hommes et femmes ; en relevant comment dans beaucoup d’associations en faveur des pauvres, des migrants, des malades, des vieux, beaucoup sont de conviction chrétienne ; en voyant aujourd’hui la figure d’un pape François, malgré ses limites, je ne rougis pas de me dire membre de l’Église catholique. Car l’Église n’est pas d’abord le Vatican ni la Curie, mais d’abord ces communautés de croyants, animés par l’Esprit de Jésus-Christ, qui ont foi dans cet Amour qui les travaille et qui vient de plus loin. À ce niveau de croyants en Jésus-Christ, je ne fais pas de distinction entre Église Catholique et autre Églises chrétiennes.

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Personnellement cependant je ne crois pas que dans l’immédiat, l’Église officielle puisse entreprendre les réformes structurelles nécessaires que j’évoquais plus haut ; je n’épuiserai plus mon énergie à chercher à faire évoluer les structures car ces évolutions permettraient sans doute à l’Église d’être plus crédible dans le monde actuel mais ne régleraient pas le problème de la foi dans le monde d’aujourd’hui. « Le lieu du combat » est ailleurs : comment annoncer la bonne nouvelle de l’Évangile dans un monde sécularisé où « « Dieu » étant aux abonnés absents » » ne peut plus être la référence, mais où les hommes de bonne volonté cherchent néanmoins un sens à leur vie.

Par contre je souhaite participer à l’avenir de l’Église, là où je suis, par des communautés vivantes qui témoignent concrètement de cet Amour révélé par la bonne nouvelle de l’Évangile. Car je pense que cela a un sens, dans un monde de plus en plus individualiste où le Dieu suprême risque de devenir l’argent avec le pouvoir qu’il donne, d’être témoin de ce que la vie véritable est d’abord dans la relation au frère, notamment le plus démuni. Dans ce sacrement du « frère » et dans des célébrations eucharistiques toujours plus conviviales, les croyants se ressourcent au geste fondateur de Jésus-Christ donnant sa vie pour que le monde vive et que dans cet amour partagé se trouve la signature d’un Amour qui vient de plus haut, que mon Église m’a appris à nommer avec les mots de sa culture, Dieu Père, Fils, Esprit.

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Antoine Duprez

Membre du comité de rédaction de G & S

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2- Et pourtant, je sors de l’Eglise catholique !

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Publié le 27 février 2023 par « Garrigues et Sentiers » http://www.garriguesetsentiers.org/-32

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L’article d’Antoine Duprez  Et pourtant, je continue à appartenir à l’Église catholique a mis le feu aux poudres et m’a fait sortir de ma tanière où coulent le lait et le miel de mes douces lectures spirituelles. 
Permets-moi de te tutoyer, cher auteur, et de réagir à ton article. Tu continues à appartenir à l’Église catholique.
Tous tes arguments louables, je n’ai pas cessé de me les dire et redire pour me convaincre d’y rester.
Comme toi, je n’ai pas cessé d’y appartenir, d’y travailler, d’animer messes, catéchèse, aumônerie, baptêmes, confirmations, conférences, partages d’évangile, actions solidaires etc.
Et après cette très longue appartenance active dans l’Église, je décide enfin d’en sortir. J’ai mis beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps pour en sortir. Que de fois ai-je remis le couvert. C’est dire si j’ai beaucoup hésité.

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Pourquoi en suis-je sorti ?

Tout d’abord, l’Église est dirigée par une caste d’hommes qui refuse de partager les décisions avec les femmes, à savoir plus de la moitié de l’humanité.

Ne serait-ce que pour cela, je sors de l’Église. J’aurais dû le faire plus tôt mais j’ai cru que l’Église allait évoluer depuis le Concile Vatican II. Me pardonneras-tu, cher auteur, l’idéal de ma jeunesse trempé de naïveté jusqu’aux os ? Ainsi, seul le prêtre a pouvoir de faire tomber Jésus dans l’hostie. Expression triviale qui dit que trop ce pouvoir sacerdotal absolu et magique. Absolu car seul le prêtre en a le monopole et magique pour cette hostie appelée « présence réelle ». Il y aurait donc des présences non réelles ?

Nous sommes devant le plus grand mensonge de l’histoire : le sacerdoce.

Statut du sacré que Jésus n’a jamais institué. Mais je m’empresse très vite de dire au lecteur mon frère, que j’ai eu des amis prêtres merveilleux. Je retiens chez eux leur foi, leur énergie, leur créativité et leur amitié mais je ne reconnais en rien leur pouvoir sacerdotal. Ceci dit, ce sont des prêtres hors du rail, si tu vois ce que je veux dire ?

Il nous faut quelques fois sortir du ronron catho de sacristie qui rouille pour retrouver la foi qui bouge. Comment puis-je être solidaire d’une Église aussi féodale de par ses seigneurs évêques, aussi monarchique de par ses papes et aussi totalitaire ?

Il y va de mon honneur et de ma santé d’esprit et de cœur de ne plus en faire partie.
Je sors donc de l’Église catholique.

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Comment ai-je pu supporter et cautionner une telle Église qui interdit l’amour des homosexuels, qui refuse la communion aux divorcés remariés, qui nie aux prêtres le désir d’affection et de tendresse ? J’en ai honte. Ces interdits castrateurs ont fait des ravages et des horreurs qui ont explosé lors des colossales révélations. Et puis ces milliers de prêtres tous généreux qui ont quitté le ministère. C’est terrible. Du jour au lendemain, ils n’existent plus. Quel rejet et quelle blessure. Là encore, l’Église totalitaire fait son œuvre sinistre et insupportable. Une telle Église qui exclut ne peut plus annoncer l’Évangile. Et je continuerai à appartenir à cette Église ?

Mais ce serait trahir l’évangile et me trahir moi-même.
Par solidarité, je sors donc de l’Église.

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Les princes de l’Église auto-proclamés « gardiens de la foi » se targuent de garder le « dépôt de la foi ». La foi est tout sauf un dépôt. La foi ne se garde surtout pas, elle se donne, déclare le célèbre dominicain rebelle Jean Cardonnel, Cardo pour les intimes. Pas question d’être des gardiens figés d’un dépôt presque oublié dans un placard de sacristie. Un jour, Cardo fut interpellé par une femme : « Je n’arrive pas à partager ma foi avec mon mari ». Réponse cinglante : « Ah bon vous ne partagez pas votre foi ? Et donc vous la stockez ? À la banque ?

La foi ne se dépose pas, elle est mouvement. L’évangile est jaillissement qui rend libre, joyeux, contagieux et inventif. Quand je m’attarde à écouter prêcher des prêtres qui parlent « de Dieu » ou mieux encore, qui font parler Dieu, je suis tétanisé, effrayé. Quel orgueil, quelle dinguerie et quelle prétention. Parler de Jésus d’accord, tenter de saisir ce que cet homme, au parcours exceptionnel, peut me dire et m’inspirer, oui d’accord, mais dire « Dieu veut que blablabla…Dieu nous demande que blablabla… la loi de Dieu, c’est blablabla … ». Terrible envie de dire à ce prêtre « mais pour qui tu te prends ? » Je suis terrorisé par leur savoir omniscient et omnipotent à coup d’affirmations à l’emporte-pièces mensongères, impudiques, ridicules, aussi dérisoires que péremptoires.

La vie spirituelle est tout autre.
Du coup, je sors de l’Église.

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Il me vient à l’esprit cette parole de Bernard Feillet, disciple de Marcel Légaut, qui déclarait : « De Dieu, je ne peux rien dire, mais j’en ai la trace »

Quelle merveille, voilà une parole qui me nourrit. Il parlait de la trace biblique mais aussi de la trace dans les autres traditions et celle de ses rencontres. Bernard, accessoirement prêtre, mais si éloigné de la machine cléricale, fut appelé un jour à remplacer un curé pour célébrer une messe de la fête votive d’un village. Chaque ville a son saint patron. Et la messe se célébra en plein air sur un stade communal. L’assemblée occupait la moitié du stade et des jeunes jouaient au ballon sur l’autre moitié non loin. Le choc des cultures. Deux religions se croisent. Fallait-il coloniser le stade et chasser les jeunes ? Surtout pas. Bernard se mit à commenter l’évangile à voix très haute, en inventant une parabole sur le ballon et les jeux du foot. Ce qui devait arriver arriva. Les jeunes s’arrêtèrent de taper dans la balle et l’écoutèrent.

Qu’avait-il fait Bernard ?

A-t-il répété les interminables prières qui accablent Dieu et les formules répétitives du prêt à porter, du prêt à penser et du prêt à croire de la messe ?

Non, il a inventé une parabole comme le fit Jésus en s’appuyant sur la vie de ces jeunes footeux. Il les avait rejoints. Jésus n’a pas cessé de rejoindre ses contemporains dans leurs réalités et non pas dans les brumes des discours vaseux, gazeux et fumeux des religieux. Les prêtres et les pharisiens du temple de Jérusalem ont senti le danger. Ils se sont vus menacés dans leur pouvoir et leur savoir. La guerre était déclarée. On connaît la suite….

On a fait de la religion une répétition de codes, de dogmes et de rites. Avec Jésus, rien de tout ça. L’évangile est une suite de rencontres où le fils de l’homme est à la recherche de son humanité, dirait Marcel Légaut. Être disciple de Jésus, c’est non pas répéter comme des perroquets mais c’est inventer, créer, voire transgresser. Si Évangile veut dire « bonne nouvelle » en grec, elle devrait donc me surprendre et me réjouir, et la messe ne me surprend guère sauf dans certaines communautés vivantes et inventives que je ne nommerai pas pour ne pas les faire rougir de fierté et de joie. Bobin ose sussurer : « J’ai trouvé Dieu dans les flaques d’eau, dans le parfum du chèvrefeuille, dans la pureté de certains livres et même chez les athées. Je ne l’ai presque jamais trouvé chez ceux dont le métier est d’en parler »
Je sors fatigué de l’Église.

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J’ai banni depuis fort longtemps les trois mots en S : sacrement, sacerdoce, sacrifice.

Sacrement, dans la doctrine catholique, c’est un rite où l’homme s’engage certes mais où Dieu s’engage et intervient. Je ne crois pas en un dieu interventionniste. Il y a un silence de Dieu, une absence qui m’impressionne. Je ne m’autorise pas à parler à sa place comme le font allègrement et pompeusement curés, imams et rabbins. Je trouve cela vulgaire. Je n’appelle pas son intervention magique. Je suis plongé dans le silence de mon Dieu intérieur et trempé d’espérance dans le clair-obscur d’une bougie qui pleure des larmes de cire. Du coup, je ne dis pas sacrement de l’eucharistie mais le geste eucharistique. Je ne dis pas sacrement du baptême mais le geste du baptême. Ces gestes porteurs de sens n’en perdent pas pour autant leur profondeur. Mais ils ne sont plus sacrés, consacrés et sacralisés par des prêtres. Ces gestes doivent rester sobres et signifiants, baignés de beauté et de simplicité fraternelle. J’attends avec impatience que des disciples d’aujourd’hui dressent la table de la foi et osent ces gestes beaux, forts, dépouillés et désarmés du sacerdoce.

Je ne supporte plus d’être dans une église, rangés les uns derrière les autres avec le prêtre assis sur son trône devant son autel à cinq ou dix marches plus haut. Je ne supporte plus cette séparation des hommes sacrés et les autres bien rangés qui écoutent sagement les détenteurs de la vérité, drapés dans leurs chasubles dorées. Quelle contradiction avec l’homme de Nazareth qui nous invite à la fraternité, à égalité, dans le partage du pain et du vin. Non à l’autel qui signifie le lieu du sacrifice. Désormais je n’accepte de célébrer qu’autour de la table, là où se mêlent le pain du nécessaire, le vin de la fête et le feu de l’évangile partagés avec mes frères et sœurs en liberté.
De toute urgence, je sors de l’Église.

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Lors des prières universelles prononcées par des gens très généreux et très impliqués dans leurs paroisses, on ne cesse d’accabler Dieu de demandes comme le firent les romains, les grecs, les égyptiens envers leurs dieux. Mais de quel Dieu s’agit-il ?

Je ne suis plus dans cette croyance d’un dieu tout puissant qu’il faut supplier d’intervenir dans les malheurs de ce monde. Je préfère les profondeurs d’un silence qui nous met en communion invisible avec nos frères ukrainiens, turcs et arméniens. La seule prière que j’ose dire non pas à Dieu, mais à Jésus « inspire moi ce que j’ai à faire et à être »

As-tu vraiment entendu, cher lecteur, les prières officielles du prêtre lues dans le gros missel ?

C’est un régal. J’en ai cueilli ici ou là : « O Dieu tout puissant, nous te prions… Seigneur nous te supplions… Daigne nous accorder les bienfaits du sacrement… Daigne recevoir nos offrandes… ». Mais quel est donc ce dieu monarque tout puissant qu’il faut « supplier » et qui « daignerait » peut-être nous accorder des faveurs ? On est dans un rapport de soumission dominant/ dominé. Et la prière qui conclue l’offertoire : « Prions au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Église. »

Quelle horreur. Quel sacrifice ? Il fallait donc que le Christ mourût en sacrifice sur une croix pour le rachat de nos péchés ? Une mythologie qui n’a pas à jalouser celles des religions antiques. Non, Jésus n’est pas mort en sacrifice mais en don de soi. Il est allé jusqu’au bout de l’amour et de son combat. Et puis la fameuse litanie « prions pour l’Église, le pape, les évêques, les prêtres, les diacres etc … » Et en bout de course de cette longue hiérarchie si contraire à l’esprit de fraternité, nous sommes enfin nommés, nous, pauvres laïcs, « peuple de rachetés ».

Rachetés ? Nous étions donc à vendre ?

Il m’a fallu beaucoup, beaucoup de temps pour prendre conscience de ces archaïsmes délirants et cueillir enfin le feu de l’évangile étouffé et écrasé sous les énormes gravats poussiéreux d’une mythologie déguisée en théologie. Travail de la foi.

Pour toutes ces raisons, je sors plus que jamais de l’Église catholique.

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Et si du religieux pompeux et péremptoire, on passait à la douce vie spirituelle ?

Il ne s’agit pas de raisonner mais de « résonner » et donc de laisser monter en moi, en toi, en nous, la résonnance, la musique de l’âme. Je suis sommé d’accorder le piano de mon âme au violon de Dieu. Voilà pourquoi la poésie mystique me parle dans les profondeurs de mon être le plus intime. Ne jamais perdre l’esprit critique pour ne pas tomber dans la secte mais raisonner ne suffit pas, il s’agit de résonner. « Le cœur a ses raisons que la raison ignore » Pascal, Blaise pour les intimes.

Le Nazaréen a sans aucun doute, entendu « résonner » en lui la musique de l’âme et le jaillissement du divin. Ah si dans les messes paroissiales, on pouvait entendre du Bobin ou du Légaut ou du Feillet ou du Musset ou du Cassingena-Trévedy et tant d’autres, on respirerait, on s’éveillerait, on serait nourri, on vivrait la multiplication des pains sur la table de la foi et non pas une répétition de formules figées, martelées et sclérosées. J’enrage de voir l’Église et ses clercs si fermés sur leur avoir, savoir et pouvoir, et qui n’osent toujours pas ouvrir à la messe, portes et fenêtres à ces poètes et prophètes des temps modernes. Quel gâchis.
Je sors révolté de l’Église catholique.

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Je lis dans ce même article de G & S ceci : « la communauté que Jésus Christ a voulu fonder… Jésus fondateur… ». Non il n’a rien fondé, il a semé.

Comment ne pas évoquer Alfred Loisy, ce prêtre qui osa dire dans un humour délicieux et devant un parterre de séminaristes :« Jésus est venu nous annoncer le Royaume et nous avons eu l’Église, hélas ». Tout est dit. J’ai failli dire « La messe est dite ». Le poète Bobin dans son sublime livre L’homme qui marche fait dire à Jésus ceci : « Ne me regardez pas, moi. Regardez le premier venu et ça suffira ». Regarder à la porte de l’humain. Il nous invite surtout à ne pas l’adorer lui Jésus mais à nous regarder nous, les uns les autres. C’est une tout autre théologie.

Bobin murmure encore dans un autre livre « Pour voir Dieu, il suffit de regarder dans l’Homme ce qu’il y a de plus profond ». La religion est d’abord relation, ce qui me fait dire que hors église, je devine le divin sur les trottoirs de mes rencontres.
Je peux donc sortir de l’Église.

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L’auteur de l’article poursuit : « C’est par cette Église que j’ai reçu, à travers mes parents et tous ceux qui m’ont permis de se développer, cette foi en Jésus-Christ et par elle de découvrir la bonne nouvelle de l’Évangile ». Il est vrai que je l’ai reçu de cette église, je te le confesse frère auteur. Oui mais Cardo appelait ça le « chantage à la mère ». J’ai reçu l’évangile de l’Église donc j’y reste fidèle. Un peu court comme idée. Je me sens piégé. L’Église n’est pas ma mère, elle est, tout au plus, assemblée de baptisés. Nuance. Et si cette organisation, ce système « Église » me pèse et s’avère contraire à l’évangile, je me dois de la réformer avec d’autres, ce que j’ai tenté mille fois avec des chrétiens progressistes, avec les réseaux du Parvis entre autres, mais en vain. La machine est redoutable et indéboulonnable. Découragé et écœuré, je me dois donc de la quitter pour respirer et relationner ailleurs. J’en paie quelques fois le prix de la solitude et de l’amertume mais je trouve ici ou là des disciples en liberté. C’est une joie immense. Plus loin, l’auteur de l’article ajoute : « Ils m’ont communiqué une parole de vie que je n’ai jamais trouvée ailleurs ». Alors là, je tombe de ma chaise. Il n’y a donc pas de parole de vie ailleurs ?

Je ne cesse de rencontrer des gens ailleurs, ici ou là, dans la rue, dans les cafés, dans les manifs, les associations qui ont une parole de vie en actes et qui pourtant n’ont jamais été nourris au biberon par l’Église. As-tu remarqué, cher auteur et lecteur, que Jésus est ébloui par la foi et la vie de ceux qui ne sont pas dans le sérail du judaïsme ? « Je n’ai jamais vu autant de foi dans la maison d’Israël ». Oserai-je te dire : je n’ai jamais vu autant de foi et de vie dans la maison Église. Le fils de l’homme nous invite à voir la foi, l’amour et la vie ailleurs au cœur de notre humanité.
Je sors de toute urgence de l’Église.

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Mais il y a pire. Dans ma dernière communauté de Paris, Saint-Merry, qui fut assassinée par le Seigneur archi-évêque du coin, des censeurs refusèrent mon article en me disant « Pierre, tu vas trop loin, c’est trop violent ». Les censeurs ont refusé mon article où je dénonçais avec virulence l’évêque totalitaire qui, d’un coup de plume, mit fin à nos messes fraternelles, innovantes et respirables. Je disais tout haut ce que tous pensaient tout bas. Étonnant. Les censeurs eux-mêmes frappés et censurés par un évêque violent censurent à leur tour un de leurs membres parce qu’il ose clamer sa révolte face à l’assassinat d’une communauté que j’ai tant aimée. Blessure.

Lors du fameux renversement des tables du temple, prêtres, pharisiens et scribes ont dû s’empresser comme ces mêmes censeurs de déclarer à Jésus : « Tu vas trop loin, c’est trop violent ». Refrain de soumission que j’entends si souvent chez de bons cathos à tel point que même les dalles et les colonnes des églises me le chuchotent en écho.  Ils ont juste oublié que Jésus renverse les tables du temple. Ils ont juste oublié qu’il proclame haut et fort « serpents, races de vipères ! » Mais ce Jésus-là, ils n’en veulent pas. Ils ont fait de « Jésus un sucre d’orge », aimait à dire Cardo, le dominicain rebelle. Ils confondent l’amour de la violence et la violence de l’amour.

Quand l’amour est bafoué, quand la justice est piétinée, amour et justice s’embrassent et deviennent révolte. Alors là, la coupe est pleine, je considérais cette communauté tant aimée comme un des derniers remparts de chrétiens en liberté. Étais-je naïf à ce point ?
Une blessure de plus.
Je sors vraiment de l’Église.

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Je rêve d’écrire un livre intitulé « Poussière sous le tapis ».
Que de clercs et sous-clercs de sacristie qui ont l’art de mettre la poussière sous le tapis.
Que de fois, je me suis-je tu, que de fois, ai-je avalé des couleuvres, que de fois ai-je accepté compromis et laisser faire ? Et je suis encore et toujours revenu dans cette Église pour y donner le meilleur de moi-même. Toujours les coups de crosse, toujours les coups de massue. Et toujours la poussière sous le tapis. Trop, c’est trop. J’étouffe.
Je sors exaspéré de cette Église.

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Mais au fond du fond, peut-on mettre du vin nouveau dans de vieilles outres ? s’interroge le fils de l’homme qui sortant d’une taverne mal fréquentée de Jérusalem traîne quelques fois au temple et dans les synagogues pour oser une parole de vie, mais en vain. Le vin de l’évangile ne peut plus couler dans les outres de sa propre tradition judaïque. De même, le vin de l’évangile est difficilement tenu et retenu dans les vieilles outres de l’Église qui ne veut toujours pas se réformer pour laisser exploser les saveurs, le sel et la lumière.

Force est de constater que Jésus de Nazareth est entré en conflit avec les prêtres du temple et on connaît la suite. Mon travail de la foi est désormais de me désencombrer de ces tonnes de gravats qui écrasent l’évangile. Se désencombrer, se dépouiller, voilà l’appel de Jésus et de Bouddha et de bien d’autres maîtres spirituels. La prière n’est-elle pas cela ?

Se désencombrer pour goûter le sel de la fête intérieure.
Bobin, mon frère et ami, murmure ceci :
« J’ai enlevé beaucoup de choses inutiles de ma vie,
et Dieu s’est approché pour voir ce qui se passait »

Puissions-nous, hors de l’autoroute des croyances figées et prédigérées,
oser l’aventure sur des sentiers de garrigues écrasés de soleil
où chantent le thym et le laurier,
là où l’invisible semble donner sens à toute chose.
Et si jamais les chemins d’évangile étaient trempés de boue et de pluie,
j’aimerais avec Baudelaire, te dire cher lecteur, mon frère :
« De la boue, j’en ferai de l’or ».

J’ai donc choisi de m’évader de l’Église pour entrer en liberté
sur le chant des possibles, tel un aventurier de la foi
à la recherche de frères et sœurs libres.

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Pierre Castaner, disciple de Jésus le transgresseur

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Béatitudes d’un bon catho qui ne veut rien changer !

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Heureux d’être dans une Église faite que d’hommes où la femme est exclue des décisions.

Heureux d’être dans une Église totalitaire avec un pape monarque absolu, des évêques grands Seigneurs et des curés patrons qui décident de tout.

Heureux d’être dans une Église où Dame Démocratie n’entre jamais.

Heureux d’être dans une Église où les homosexuels et les divorcés sont niés ou rejetés.

Heureux d’être dans une Église où les divorcés remariés n’ont pas droit à l’hostie.

Heureux d’être dans une Église où l’on mutile des prêtres en leur imposant la chasteté et le manque de tendresse.

Heureux d’être dans une Église où des prêtres qui n’ont pas pu supporter de telles contraintes, se sont vus bannis, plongés dans l’abandon avant de refaire leur vie.

Heureux d’être dans une Église que Jésus n’a jamais instituée.

Heureux d’être dans une Église qui a créé le plus grand mensonge historique du sacerdoce que Jésus n’a jamais institué.

Heureux d’être dans une Église qui a créé des autels lieux barbares du sacrifice au lieu de la table eucharistique et fraternelle où personne n’est exclu.

Heureux d’être dans une Église où le prêtre ne cesse de dire à la messe : « Dieu tout puissant, nous te supplions, daigne nous accorder etc. etc. « 

Heureux d’être dans cette Église qui charrie tant d’horreurs si contraires à l’Évangile et si opposées à l’esprit de Jésus.

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Pierre Castaner

http://www.garriguesetsentiers.org/2023/03/beatitudes-d-un-bon-catho-qui-ne-veut-rien-changer.html

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