Une morale contre la souffrance

Dans son livre (L’éthique de la relation dans la perspective chrétienne), le théologien italien Martin Lintner appelle les catholiques à regarder différemment la question de la sexualité, de manière moins hostile et défensive. Il essaie de faire bouger les lignes, estime qu’ « avec sa morale sexuelle rigide, l’Église a inutilement rendu la vie difficile à des personnes et les a plongées dans de graves problèmes de conscience ».

par Martin Lintner

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Dans son dernier livre Christliche Beziehungsethik (L’éthique de la relation dans la perspective chrétienne), récemment publié aux éditions Herder, le théologien italien Martin Lintner, professeur de théologie morale à l’Université de Bressanone, appelle les catholiques à regarder différemment la question de la sexualité, de manière moins hostile et défensive. Il invite à repenser la morale sexuelle au regard des données scientifiques dans ce domaine. Interviewé par le site allemand katholisch.de le 4 janvier 2004, le théologien, qui essaye de faire bouger les lignes, estime qu’ « avec sa morale sexuelle rigide, l’Église a inutilement rendu la vie difficile à des personnes et les a plongées dans de graves problèmes de conscience ».

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Pour expliquer le contenu de son ouvrage, Martin Lintner situe cette « sexophobie » dès les débuts du christianisme : « Les Pères de l’Eglise, c’est-à-dire principalement des clercs ou des religieux vivant dans le célibat, ont marqué la morale sexuelle de l’Église pendant des siècles. L’idée que le désir sexuel est en soi un péché remonte à Augustin. Chez lui, elle est directement liée à la chute de l’homme. » Laisser de côté le plaisir pour se focaliser uniquement sur la procréation, résultat d’une lecture erronée de la Bible et de raccourcis selon notre théologien, n’est pas sans conséquences, notamment chez des personnes dans l’impossibilité de procréer. « Dans mon expérience pastorale, j’ai effectivement rencontré des personnes âgées qui m’ont parlé de ce dilemme. Elles se sentent coupables d’avoir – comme elles l’ont appris au catéchisme – ‘abusé du mariage’, et elles ont honte d’avoir encore des relations sexuelles ou des échanges de tendresse à un âge avancé. Quel poids avons-nous fait peser sur ces personnes et pourquoi leur avons-nous enlevé la joie et la spontanéité dans la gestion de leur sexualité ? s’interroge-t-il. Comme nous étions fixés sur la procréation, nous avons soupçonné que tout ce qui a trait au plaisir et à l’attirance érotique pouvait être malfaisant ou risquait de réduire les conjoints à des objets sexuels. » Une logique qui fait des dégâts.

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Au sujet du célibat des prêtres, Martin Lintner se montre là aussi bien audacieux et pragmatique face au dogmatisme de l’Église : « Non pas parce que je ne considère pas ce mode de vie comme opportun – je l’ai moi-même choisi en tant que prêtre -, ni parce que je pense que nous pourrions ainsi remédier au manque de prêtres, mais pour une autre raison. Il y a des prêtres qui ne respectent pas le célibat – quelles qu’en soient les raisons – qui entament une relation avec une femme ou qui deviennent également pères. Pour eux, leurs partenaires et leurs enfants, cette situation signifie souvent une grande souffrance. Soit ils vivent secrètement une vie à deux vitesses, soit ils sont confrontés à un choix. S’ils optent pour la famille, l’Église perdra des prêtres engagés et compétents. » Une réflexion sur une éthique renouvelée de la sexualité et du mariage qui intègre les perspectives des sciences naturelles, humaines et sociales, y compris les recherches sur le genre. On ne s’étonnera pas qu’il se soit vu refuser par Rome le poste de doyen de la faculté de philosophie de Bressanone …

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GoliasGolias Hebdo 802

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