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La vieillesse apparaît parfois comme un naufrage, quand le pouls ralentit tellement que la moindre activité demande un grand effort, quand nous avons du mal à trouver les mots pour écrire, quand nous sommes découragés devant les piles d’archive que nous voudrions trier. Mais ces temps ne sont que passagers et la vie apparemment devenue plus difficile apparaît aussi plus apaisée et riche de tout ce que nous avons pu, consciemment mais surtout inconsciemment, accumuler. Et lorsqu’avant d’en faire un feu de joie je parcours des piles de feuillets je m’émerveille de voir combien sont rares les pépites dont reste trace en ma mémoire, mais aussi combien précieuses elles m’ont été. La futilité – ou les banalités devenues évidences du reste – rend plus ferme le geste approchant la flamme du papier. Fini le temps d’assumer de trop lourdes activités, mais combien peut être précieuse pour ceux qui nous succèdent l’expérience accumulée si nous savons écouter leurs besoins et dépasser avec humour le respect (réel ou simplement poli) que spontanément ils manifestent face au grand âge.
Reste l’approche de plus en plus imminente de l’issue, la prise de conscience que disparaitront avec moi tous les souvenirs des instants, des rencontres, des paysages que j’ai connus et aimés. Si j’arrive à l’admettre, si j’attends avec plus de curiosité que d’angoisse ce qui me sera (ou pas …) dévoilé, je peux encore profiter de longs moments de paix et de sérénité ; remercier la vie de tout ce qu’elle m’a donné, me donne encore en me laissant suffisamment de moyens pour les apprécier. Mais, je le reconnais, ce n’est pas toujours simple et facile. Rendez-vous dans celui qui est UN pour poursuivre notre dialogue. Et si cet espoir n’est qu’un rêve, qu’importe, cela n’effacera pas qu’il ait été tenu.
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Louis Belon