Le bonheur

Gérard a perdu la vue suite à une grave maladie. Il est né en 1955 et a édité un premier conte pour enfant (L’Harmattan, éditeur). Avec sa permission, cet extrait de son courriel a permis à tous les membres du groupe d'"écouter et de partager" sur le bonheur

Cet article est paru sur le bulletin de l’association E&P en mai 2006. Il présente toujours un vif intérêt …

Gérard a perdu la vue suite à une grave maladie. Il est né en 1955 et a édité un premier conte pour enfant (L’Harmattan, éditeur).

Avec sa permission, cet extrait de son courriel qui a permis à tous les membres du groupe d' »écouter et de partager » sur le bonheur :

Dis, c’est quoi le bonheur ?

C’est une vaste question que pourrait poser un enfant à son papa. Si je veux l’aborder ici c’est que j’ai peut-être une vision différente du bonheur.

Le bonheur je l’ai connu et le connais encore. Je l’ai connu tout le temps que j’ai été élevé par ma grand-mère. Tout était beau avec elle, tout, même les devoirs qu’elle me faisait faire en plus de l’école.

Le bonheur je le connais encore avec ma mère. Je lui dois beaucoup, tu sais, et je crois t’en avoir déjà parlé, mais je résumerais à ceci : elle m’a donné la vie trois fois. La première en me mettant au monde, la seconde lorsqu’elle a dit au chirurgien, en mars 1961, de m’opérer alors qu’il venait de lui apprendre que je n’en avais plus que pour douze jours et que je mourrais sur la table d’opération. Elle a quand même dit d’opérer et ce fut une réussite formidable, inattendue, non prévue, presque un miracle. La troisième fois ce fut ce jour de 1982 où je suis sorti de mon premier coma profond, très profond même, ce jour où j’ai entendu une petite voix appeler « Gérard, Gérard … » sans cesse alors que mon corps était maintenu en vie sur le lit avec des tas d’appareils, et que moi j’étais une petite bille jaunâtre qui avançait lentement, si lentement vers cette voix qui appelait sans cesse « Gérard, Gérard ». La voix devenait de plus en plus audible. La petite bille jaunâtre avançait lentement vers la voix. Soudain la voix est devenue toute proche. La petite bille jaunâtre a dit « tu es là, maman ? ». La voix a dit « oui, c’est maman je suis là ». Alors la petite bille jaunâtre a réintégré le corps et celui-ci s’est assoupi. Je me suis alors remis à vivre. (../..)

Si je ne quitte pas ma mère, c’est que je lui dois tant et que nous serions malheureux, l’un sans l’autre. Ma mère et moi formons une famille à nous deux seulement puisqu’il n’y a plus personne autour de nous, ni grand-mère, ni grand père, ni oncle ni tante ni frère, ni sœur, rien, rien du tout. Alors pourquoi casser cette fragile famille monoparentale. Nous vivons presque comme un couple, avec des bas quelque fois, mais si rares, plutôt des hauts et j’aime faire rire ma mère, le rire c’est du bonheur et j’aime donner du bonheur.

(puis Gérard parle de sa maladie , son reste de vue qui lui fait voir des choses extraordinaire et qui prête à rire ou à sourire..)

Ces « vues » souvent inattendues me rappellent cette vérité que je veux oublier : je suis amblyope profond. Mais mon envie de vivre heureux domine et m’aide à surmonter ces moments difficiles.

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Témoignage de Gérard :

Je ne suis d’aucune Église, en grande partie, à cause des conflits que ma famille a eue avec celle de Rome : excommunication de mon arrière-grand-mère bretonne car elle avait mis ses enfants à l’école laïque, école du diable pour les curés et que ma grand-mère avait dû payer un mois de salaire d’institutrice pour faire lever cette excommunication par l’évêque de Quimper. J’ai compris que si Dieu peut être charitable, son Église, du moins celle de Rome ne l’est pas. Le fric c’est catholic (volontairement écrit ainsi) … Bien sûr je n’ai pas été élevé dans la religion et je n’ai pas suivi le catéchisme, ce qui ne me rend pas ignare des choses de la Bible et de la vie de Jésus en laquelle je ne mets aucun doute, mais Dieu, qui est-il vraiment ? Pour moi, il est impalpable et peut être à la fois si présent. J’ai du mal de croire en un Dieu alors qu’il y a tant de souffrances et de misères sur cette terre. Pourquoi ces bébés que j’ai vus et qui naissent avec des atrocités et qui ne vivront pas plus de trois mois dans la souffrance ?

Oui, pourquoi tout ce mal, toutes ces guerres, toutes ces tueries alors que tout pourrait n’être que paix et amour ? Un jour, dans le Jura, alors que j’étais chez une brave tante, la tante Blanche qui m’imposait d’aller à la messe tous les dimanches, le curé me surprenant dans le cimetière m’a dit : tu ne viens pas à confesse ? Je lui ai dit que non car je n’étais pas croyant et que ce que je faisais, j’en étais conscient. Il m’a dit : tu n’es pas croyant ? Je lui ai expliqué mon incompréhension devant le mal, les tueries, la douleur des bébés, etc. Je lui ai dit aussi comment croire alors que moi qui avait à ce moment-là quinze ans, j’avais déjà été opéré trois fois à la tête d’une tumeur. Pourquoi cette tumeur à moi ? Alors il m’a dit que je ne devais pas me plaindre car j’étais un élu de Dieu, que j’avais été choisi par lui pour expier les péchés des autres. Je lui ai répondu que j’espérais qu’ils avaient beaucoup péchés car moi j’avais beaucoup souffert, que lui -vu sa bedaine- ne devait pas être un élu de Dieu car il se portait bien. Il a haussé les épaules et a fait demi-tour. C’était un imbécile.

Mais croire en un Dieu à la façon de cette fameuse et formidable pièce de théâtre tirée du livre « Oscar et la dame rose« , alors là, oui…. Oui ce Dieu-là, moi j’y crois. Cela pourrait sembler stupide pour certain, mais parfois et plus souvent qu’on ne le croirait, je parle à ce Dieu, ce Dieu qui accepte mes mots et mes maux. Ce Dieu que j’appelle à l’aide parfois lorsque je me déplace à pied avec ma canne blanche et que je suis face à une difficulté. Alors, je l’appelle, je lui dis que je pourrais être son fils, que nous sommes tous ses fils et je lui demande de m’aider, d’avoir pitié. Alors est-ce juste le fait d’avoir parlé et d’avoir dit ma souffrance momentanée qui m’a soulagé ? Soudain, tout devient plus clair, je m’apaise et je trouve la réponse à obstacle. Alors oui, ce Dieu-là, ce Dieu d’Oscar et la dame Rose, j’y crois.

Je ne suis d’aucune religion. J’ai été baptisé catholique lors du mariage de mes parents alors que j’avais quatre ans, pour faire plaisir au curé car ma mère n’était pas baptisée et avait payé une dispense pour pouvoir se marier à l’église. Tout ça pour faire plaisir aux parents de son futur mari qui ne sont pas venus au mariage ! Mais ce baptême me dérange, il n’est pas mien, je ne reconnais pas cet Église d’orgueil, de fric, de débauches, cette Église qui résume à elle seule tous les péchés capitaux. Par contre l’Église protestante, plus vraie, plus proche des gens, dont les pasteurs peuvent vivre une vie normale, être mariés, avoir des enfants, me semble plus vraie. La religion musulmane elle-même a bien des aspects sympathiques lorsqu’elle n’est pas extrémiste. De toute façon tous les extrêmes sont condamnables…                  

Gérard

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