(A lire calmement et … au calme !)
Loin des soucis du travail, loin des exigences domestiques, loin des préoccupations de vacances, je me donne un moment. Un moment pour moi seul où je peux m’arrêter, me poser. Sans être dérangé par un coup de téléphone, une invitation … Et je m’assieds dans un cadre qui me plait. Sur un siège ni trop confortable pour éviter de sommeiller, ni trop rigide pour être mal à l’aise. Et je respire calmement, me décontractant, les yeux baissés, le regard souriant sur ce que je vois ou ce que je découvre intérieurement. Je sens ma respiration monter, descendre ; inspiration, expiration ; un, deux, une, deux… Paisiblement je recommence, je veille à ne pas quitter ma perception, je respire… “J’inspire, j’expire… J’inspire, je sens les côtes qui se dilatent, j’expire, je me repose, je suis bien… “. Et je recommence et je recommence. Je continue encore mais soudain je constate que, malgré ma vigilance, j’ai fui mon siège, je suis parti vers un souci récent. Je ne m’inquiète surtout pas. Je l’accepte, je compte sur la patience de mon apprentissage. Au contraire. J’en profite pour saisir au vol cette préoccupation, pour la regarder en face, en la déchargeant de mes préjugés affectifs, en la regardant comme un bagage. Et je reviens à mon rythme respiratoire. Je vis, je suis bien, j’inspire, un, j’expire, deux… J’essaie de fixer mon attention sur cette cadence et j’y reviens chaque fois que j’ai été distrait…
Avec un peu d’entraînement, j’arrive maintenant à maitriser un peu mieux mon esprit, non pas en le contraignant mais en obtenant que lui, il ne me contraigne pas à renoncer à ce que je souhaite. Tout en comptant encore intérieurement, j’inspire, un, j’expire, deux, (et je peux aussi ajouter avant de reprendre le souffle quand je suis très calme, “je me repose, trois”), je commence à vivre avec mon souffle intérieur, avec mon être intérieur, un, deux, trois ; un, deux, trois… Et peut-être progressivement et parallèlement, un, je suis ici… ; deux, je suis ici-bas… ; trois, je suis comme je suis, sans plus, sans moins… Un, je m’accepte ; deux, je me prends en main; trois, je vis avec tout moi… Le lendemain, je recommence, je garde ma distance, je fuis le jugement, j’observe, je constate ; mon cœur qui rythme ma poitrine m’invite au calme, à la sérénité et -beaucoup moins vite que les mots ne peuvent le dire-, je disparais en moi : un, je vis; deux, je vis encore ; trois, je vis toujours ; un, c’est un constat, … c’est simple, … c’est difficile aussi; un, … Mon attention se dissipe et part flirter avec d’autres intérêts. Je ne me décourage pas, je l’accepte et je persiste. Je recommence et avec l’expérience mon attention se transforme progressivement en concentration. Le surlendemain, je recommence encore, je me tiens droit, les yeux dans le vague ; Un, je suis au milieu de fleurs, deux, des fleurs qui bourgeonnent, trois, qui éclosent ; un, qui parfument, deux, s’épanouissent, trois, illuminent ; …durent le temps d’une rose, … perdent leurs pétales, … murissent ; …murissent encore, …sèment à tout vent, …se reproduisent…, disparaissent… Ma pensée accepte de suivre maintenant un peu ce que je souhaite mais elle ne répond pas encore à ma demande aussi docilement que mon corps…
Ainsi, toujours attentif au souffle d’air qui rythme mon recueillement, à l’écoute de la vie qui jette des bulles en moi, je reste moi-même, je médite, accueillant presque froidement, en tout cas le plus objectivement possible, non pas mes sentiments que je maitrise mais ce que je suis invité à observer. Je ne tombe pas dans l’euphorie, je discerne le beau, je l’admire; je ne sombre pas dans la colère, je spécifie le mal, je le combats. Je distingue la sincérité et l’hypocrisie, l’amour et le mépris, le partage et l’égoïsme. Et je prends conscience de ce que je suis, avec toutes ses couleurs et toutes ses ombres, je suis au cœur de ce qui est moi, sans procès ; je sens un peu plus ce que je suis ; je prépare un peu mieux ce que je deviens…
Pascal Jacquot