״Propriétaires״ ou (et) ״gestionnaires״

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La maison, les outils que nous avons achetés sont officiellement à nous mais ils ne nous sont précieux qu’avec une utilisation judicieuse. Et uniquement tant que nous vivons ! … Si nos biens et nos statuts nous appartiennent en effet, ne-sont-ils pas simplement en réalité des patrimoines à gérer ? A partager peut-être aussi …  

Car tous les biens que nous avons reçus gratuitement – avec toutes nos propres richesses, notre corps, notre esprit … – ne nous sont-ils pas confiés comme des fermages plutôt que comme des propriétés ! Ne devrions-nous pas nous en servir en effet pour permettre de nous « enrichir » bien sûr mais en « enrichissant » aussi d’autres ? Favorisant ainsi peu à peu à l’égalisation entre les hommes …

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Si nous sommes administrativement des propriétaires, nous sommes aussi des gestionnaires de fortunes qui nous sont livrées. La logique de la « propriété », des biens dits « privés », ne peut se concilier qu’avec le sens de la responsabilité et la soif de justice … Notre autorité ne peut légitimer notre domination qu’en nous obligeant au service des autres. Et elle ne peut en aucun cas se soumettre à un régime économique qui engendre l’injustice …

Car, de toute façon, l’argent n’est pas un moyen universel qui peut tout transformer : l’argent ne peut acheter ni l’amour, ni la culture, ni l’intelligence, ni la bonté, ni la sagesse, ni les savoir-faire, ni la joie intérieure, ni l’expérience, ni la maturité, ni la sensibilité. Il n’est le moyen universel que de l’obtention des choses matérielles ![1] Et le capitalisme contemporain se justifie d’ailleurs en affirmant n’être pas pour la croissance tout court mais pour la croissance verte, pas pour le libre-échange tout court mais pour le juste-échange. Or globalement, encore faut-il en être conscient, il continue souvent de servir ״l’argent״, d’amasser et d’amplifier les fortunes, pour enrichir davantage les riches et appauvrir les pauvres   …

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De la même manière qu’un bon parent a de l’autorité sur ses enfants mais cherche à les rendre autonomes, qu’un bon médecin a de l’autorité sur ses patients mais vise à les rendre capable de gérer leur santé par eux-mêmes, qu’un bon enseignant a de l’autorité sur ses élèves mais vise à les rendre capables de se passer de lui, un bon intendant possède de l’autorité sur sa propriété[2] mais il se place en même temps au service de la gestion de ses biens matériels et spirituels

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Le rôle des parents, des médecins, des enseignants, des administrateurs est irremplaçable et chaque travailleur a une place unique … La capacité de chaque femme, de chaque homme à améliorer la situation, à critiquer ce qui nuit à la justice et à mettre en place des ordres plus justes -même modestement, même incognito- ouvre un horizon plus large et favorise la confiance.

Le monde que nous construisons est et restera toujours fragile. Avec des soubresauts et des mirages, mais c’est un monde que l’on doit chercher à équilibrer même s’il continue à vaciller … Un monde qui nous invite tous moralement à intervenir, non comme des propriétaires repus mais comme des gérants attentifs ! Et nous avons toujours à apprendre pour être de véritables gestionnaires attentionnés et diligents …

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                        Pascal JACQUOT


[1] Extrait de « Le Christ rouge » par Guillaume Dezaunay– Editions Salvator

[2] Idem

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