Pour bien réussir sa vie et se donner une existence harmonieuse qui révèle toutes nos possibilités, il faudrait déjà se connaître. Or il n’est pas possible de se connaître avant d’avoir vécu ! Sommes-nous alors voués à ne pas réussir notre vie sinon par hasard ou chance exceptionnelle?
L’homme est en effet plus ou moins un aveugle poussé et entrainé par beaucoup d’autres aveugles dans une existence où, presque toujours trop tard, lui seul peut s’instruire de ce qu’elle est, de ce qu’elle pourrait être.
Que nous soyons timorés ou téméraires, dociles, courageux ou froussards, peu importe, nous rencontrons tous de toute façon des échecs. Des échecs ? Non pas. Mais des expériences parfois douloureuses. Et c’est tout à fait normal dans le cursus de chaque vie car elles prennent racine et force au plus profond de nous et sont fécondité irremplaçable pour ceux qui arrivent à en recueillir, dans la paix, les poignantes informations. Ces expériences peuvent être en nous l’écharde qui nous forcera à nous chercher au lieu de nous imaginer, à être ce que nous sommes vraiment, tout ce que nous sommes et rien que ce que nous sommes.
L’éducation que nous avons reçue ou celle que nous avons donnée –la moins imparfaite possible- est de toute façon impuissante à montrer autre chose que les gros plans des comportements humains. C’est à chacun de se construire, de cheminer … et, si possible, d’utiliser ses expériences (ses “échecs ?”) pour bâtir solide.
L’amour par exemple, qui est la première étape manifeste de la marche de l’être vers sa destinée personnelle, demande à être cultivé au lieu d’être seulement cueilli. Chacun doit chercher sans cesse l’autre. Comment ne pas réduire l’amour naissant à l’attrait des sexes ? Comment ne pas faire inconsciemment de l’amour un remède assuré contre la solitude qui vient, ou contre l’insécurité de demain parce que son échec alors probable y conduira inévitablement ? Comment aimer l’enfant sans le posséder, comment l’aider à grandir ?
Qui nous donnera la délicatesse du cœur, sa chaleur rayonnante, sa stabilité, qui facilitera sa modestie, sa discrétion, sa patience, son ardeur, sa confiance, sa limpidité si nous ne la possédons pas déjà à un degré suffisant pour pouvoir la développer ? Oui, qui si ce ne sont les épreuves de la vie, les expériences, les “échecs” ?
Qui nous aidera à dépasser ce que notre paternité, maternité a de possessif, de limité auprès de nos enfants pour les inviter à prendre leur indépendance et à entrer dans la vie ? Qui favorisera notre ouverture sur des horizons élargis quand nos enfants s’éloignent dans leur destin et nous conduira même à communiquer avec des êtres disparus depuis longtemps, nous faisant franchir toutes distances de temps et de lieu ? Qui ? si ce ne sont pas les solitudes, les méditations, au pire les deuils, les maladies, le chômage, les expériences, les “échecs” ?
Notre société, si avide de confort superficiel, si généreuse de consommations inutiles, si conciliante devant les exigences immatures des jeunes, si émerveillée devant les formes avantageuses des corps, nous écrase souvent dans le conformisme majoritaire au lieu de valoriser nos richesses individuelles. Si nous ne pouvons pas compter sur elle, apprenons à compter sur nous pour apprécier nos expériences (et nos échecs !) non pas à nos dépens mais pour notre plus grande richesse afin de nous aider à gagner au fil des années un peu plus de modération, davantage d’équilibre et peut-être beaucoup de sagesse.
Pascal JACQUOT
“Il y a quelque chose de pire dans la vie que de n’avoir pas réussi, c’est de ne pas avoir essayé.” Franklin D. Roosevelt