Par Enzo Bianchi –
… Le silence est l’absence de bruits et de mots, mais, tu le sais, il recouvre une réalité plurielle : le silence peut être exigé dans certains lieux en certaines circonstances… Si certains silences sont lourds, d’autres sont nécessaires et fonctionnels. En effet, par bonheur, il existe des silences positifs, auxquels on ne saurait renoncer : le silence de respect devant la parole de l’autre; le silence que l’on choisit, car il est “un temps pour parler et un temps pour se taire” (Qo 3,7); le silence de l’amitié et de l’amour, où le langage non verbal permet au silence de devenir parole; le silence de la présence et de la plénitude, lorsqu’on est bien ensemble et que cela suffit; le silence qui est écoute amoureuse, attentive, contemplative, recueillie; le silence “d’une brise légère”, qui se fait voix ténue comme pour Elie sur le mont Horeb (1R19, 12-13); et puis, il y a le silence intérieur, qui habite le cœur de chacun de nous, qui permet de faire place à la présence des autres et de Dieu…
Mais pourquoi faire silence, pourquoi apprendre progressivement le silence ? Avant tout parce que dans le silence nous faisons l’expérience d’énergies qui génèrent une activité intellectuelle plus féconde : le silence stimule notre mémoire, il affine nos facultés de raisonnement et d’imagination. Oui, dans le silence, nous devenons plus réceptifs aux impressions transmises par nos sens : nous voyons, nous écoutons, nous sentons, nous touchons mieux ! Ainsi, lorsque nous voulons faire une caresse -ou la recevoir- le silence se fait tout naturel …
Tu peux tenter l’expérience de la solitude. Tu verras que les heures durant lesquelles tu ne parles pas et n’écoutes ni mots, ni bruits te rendent différent ; elles t’aident à écouter ce qui t’habite au plus profond de toi.
Ainsi, nous prenons peu à peu conscience des raisons qui nous font parler. Nous faisons connaissance de réalités insoupçonnées : nos mots sont souvent des instruments de conquête ou de séduction, qui permettent à notre “moi” de gagner en puissance, d’acquérir un certain succès. Nous nous apercevons que nos paroles sont agressives ou intéressées, qu’elles visent un but non déclaré, qu’elles sont des outils de manipulation. Alors, dans le silence, nous apprenons à parler, à veiller toujours plus attentivement sur le style de notre communication afin que, dans le dialogue, nos mots soient toujours davantage source de communion et de paix…
Enzo Bianchi (revue Panorama)