Par Christine Pedotti
Rude monde que le nôtre, où faire confiance, croire la parole d’un autre, accorder du crédit à telle ou telle donnée scientifique ou statistique devient quasiment impossible. L’actualité récente nous en donne de terribles preuves.
À Washington, le Capitole est pris d’assaut par les soutiens du président qui ne veulent pas croire à la sincérité des résultats électoraux, alors même que le processus électoral a été contrôlé tout du long, grâce au travail des simples observateurs le jour du scrutin jusqu’à celui de la Cour suprême. Peu importe aux trumpistes. Toute institution étant soupçonnée, ils n’hésitent pas, au nom d’une réalité alternative, à s’attaquer au plus haut niveau de la légitimité démocratique.
Dans un tout autre registre éclate « l’affaire Duhamel ». Le célèbre juriste et politologue est accusé – et il ne le nie pas – d’avoir sexuellement abusé de son beau-fils mineur, il y a trente ans. Comme dans les affaires d’abus dans l’Église, comme dans l’affaire Matzneff voici un an, des gens savaient et n’ont pas pu, pas voulu croire. Le déni n’est pas seulement celui des victimes ni même des coupables ; il est aussi celui de tous ceux et celles qui ont pensé ou dit « allégations », « rumeurs », « présomption ». Quand la réalité nous heurte, nous choque, tout en nous s’y refuse. C’est l’enseignement le plus troublant de la révélation de cet abus incestueux. Qui savait ? Et parmi ceux et celles qui ont su, combien ont préféré ne pas y croire et faire comme si cela n’existait pas ? On peut s’indigner, mais ne nous est-il pas arrivé à nous-mêmes, dans une circonstance ou une autre, de refuser de prêter l’oreille à ce que nous avons traité de rumeur ? Elle est délicate à poser la limite entre ce qui relève de l’intimité des personnes et des familles et ce qui doit être dénoncé.
Dernier exemple, ce qui se passe autour de la pandémie et de la vaccination. La parole scientifique, comme celle des experts et des responsables sanitaires et politiques, est frappée par la défiance généralisée. Plus aucune instance n’est crue. Partout, on soupçonne la manipulation, la dissimulation, les intérêts cachés.
Il est raisonnable de pratiquer le doute et de chercher la vérité à travers le débat. Mais il faut d’abord douter de soi-même et croire que l’autre peut dire vrai et non l’inverse.
Article paru sur l’hebdomadaire TC du 14 01 2021 https://www.temoignagechretien.fr