Pour beaucoup de nos contemporains, vivre, c’est déjà subsister, c’est-à-dire avoir de quoi manger et s’habiller, tenir le coup ou parfois en un mot, ne pas crever. La plupart de nos anciens considéraient comme superflu ce qui ne servait pas concrètement à nourrir ou tout ce qui ne semblait pas indispensable à la vie. Aujourd’hui, même en France pourtant 3ème pays le plus riche du monde, le droit essentiel à la vie n’est pas accordé à six millions de pauvres. Sans parler de toutes les pauvretés affectives, sentimentales, spirituelles. Mais même si nous avons la chance de ne pas avoir comme première préoccupation le gîte ou le couvert, la vie nous interpelle cependant car chacun rencontre au cours de sa vie son lot de surprises et de difficultés.
Nous n’avons choisi ni notre lieu de naissance, ni notre famille, ni notre milieu. Même notre métier, notre orientation, notre parcours ne sont souvent que partiellement notre choix. Mais, que nous l’acceptions ou non, c’est avec ce que nous avons reçu, avec le contexte qui est le nôtre, que nous sommes appelés à être en 2004. A être vraiment nous-mêmes. Or, même comblés par la sécurité financière, par le confort, beaucoup ne peuvent être satisfaits. Même si nous avons ce qui peut paraître indispensable pour vivre. Si nous avons en effet, nous ne sommes pas. Pour être vraiment, nous devons cheminer, progresser pour nous réaliser. Et malgré notre bonne volonté, nous ne serons toujours que partiellement car nous nous construisons petit à petit.
Nous avons (bénéficié ? d’) une éducation, une formation, des expériences diverses mais nous sommes invités à être vraiment nous-mêmes. Nous sommes appelés à oser utiliser notre indépendance, notre liberté, pour être, être un peu plus, être un peu mieux. Pour révéler et développer notre être comme le révélateur développe une photo en laissant apparaître le profil réel d’un personnage ! Chacun de nous est l’artisan de son propre développement. Notre époque offre des exemples d’ouverture, parfois de témérité, particulièrement riches qui appellent à l’optimisme et à la confiance. En nous libérant d’un conditionnement insidieux, de contraintes bourgeoises ou de tabous religieux, nous sommes conviés à d’abord nous respecter pour être un peu plus, un peu mieux nous-mêmes.
Et nous sommes particulièrement heureux quand tombent les masques ou l’hypocrisie qui cachent la souffrance ou dissimulent la vérité. Nous sommes très touchés quand certains osent dire –parfois publiquement à la télé par exemple- leur parcours difficile. La mère célibataire qui arbore son ventre en chantant « j’ai fait un bébé toute seule » alors que les parents de bonne famille cachaient autrefois leur fille-mère dans un couvent. L’homo qui manifeste ouvertement délicatesse et amour profond et sincère pour un alter ego alors qu’il se sentait totalement exclu de la société. Le marié qui constate s’être trompé et s’engage loyalement dans une nouvelle relation. Le religieux qui ne se refuse plus un amour équilibrant pour respecter un célibat qui devait lui donner une disponibilité supplémentaire. L’adulte né sous x qui recherche ses origines. L’orphelin isolé qui rencontre ses frères et sœurs dispersés. Le déprimé qui refuse de s’isoler et cherche à partager ses projets. L’alcoolique qui fréquente un groupe d’alcooliques anonymes…
Si certains prétendent aujourd’hui réhabiliter les vraies valeurs avec les méthodes intégristes qui poursuivent « l’axe du mal », il y a 2000 ans, un prophète n’hésita pas à affronter le politique, le social et surtout le religieux en invitant sans violence ses amis à s’affranchir de toutes les entraves pour trouver leur épanouissement :
« Va, je t’aime, désormais aime-toi aussi car personne ne te condamne » dit-il à une femme soupçonnée d’adultère Jean 8. 3-11
Il est vrai que sa générosité, sa témérité humaine lui ont valu une condamnation réservée aux voyous. Il invitait pourtant tout simplement à « être ». Et il nous invite aujourd’hui encore à être. Tout simplement être pour que nous soyons ses témoins. A chacun de nous d’apprendre à oser être et c’est ce que, petit à petit, les membres d’Écoute et Partage essaient concrètement.
Pascal JACQUOT