Obligation ? Non !

Le progrès peut-il se confondre avec une obligation ?

Je suis toujours médusé par les spectacles colorés qui s’offrent gracieusement à moi au fil des jours : un panorama plongeant d’un sommet sur des collines déchiquetées, un paysage de prairies plein de verts nuancés et parsemé de coquelicots, un coucher de soleil se noyant dans les nuages … Et le concert des oiseaux me fascine aussi : la trille du rossignol qui répond la nuit au ululement de la chouette … Sans parler du festin des champs avec fruits et légumes si divers et variés. Ainsi la nature m’offre-t-elle un cocktail ininterrompu et toujours renouvelé avec son concert spontané !

Il me suffit de savoir observer, écouter, goûter pour être rassasié gracieusement ! Avec toute cette vie animale, végétale … et humaine qui grouille dans notre monde frétillant ouvert sur un univers infini ! Cette riche existence m’est offerte et je la reçois comme un cadeau. Avec une reconnaissance inouïe ! De la fourmi avec son art de l’organisation à l’hirondelle qui m’annonce le printemps, du vermisseau qui travaille le sol à l’abeille qui m’offre son miel, de la brebis dont je bois le lait du fromage à l’agneau qui me donne son gigot, tous partagent spontanément mon destin et il me suffit de respecter ce qu’ils sont pour apprécier leur concours.

La fragilité inhérente des êtres qui m’entourent est aussi leur spécificité, leur richesse ! Ce que je sais, ce que j’ai appris me permet de mieux collaborer, de vivre confiant à côté ou avec … Mais je sais en réalité si peu de choses que mes petites intuitions se confondent souvent avec l’aveuglement collectif ! Les plus grands savants, les plus grands spécialistes avouent en général leur ignorance, leur incompétence et leur sagesse est de le reconnaître au soir de leur vie. Les Einstein, Pasteur, Galilée, Darwin … ont expérimenté des notions essentielles qui nous permettent de bénéficier de leurs talents mais ils restent toujours modestes et craignent que leurs découvertes soient mal exploitées … Et, de toute façon, ils ne sauraient jamais imposer leur point de vue …

Si nous pouvons nous réjouir d’une meilleure connaissance du monde et des éléments qui nous permettent de mieux sérier les phénomènes que nous devons surmonter, le progrès ne peut pourtant jamais se confondre avec une obligation quand il s’agit de choix personnels, d’options fondamentales ! Chacun doit conserver sa liberté de détermination comme le bien le plus précieux et personne, pas même le pape ou le professeur le plus compétent, ne peut se substituer à quiconque en ce qui concerne sa propre vie et sa conscience.

Bien sûr « ma liberté s’arrête où commence celle des autres » …. Comme la fourmi dans la fourmilière ou l’abeille dans la ruche, l’homme est un être dans la société et il ne peut s’isoler. Aussi chacun doit accepter l’autre dans sa diversité et son originalité. Chacun doit se sentir beau en effet dans sa vulnérabilité. Comment pourrait-on admirer les êtres qui nous entourent sans être conscient soi-même de sa propre merveille ? Chacun a donc droit à son ilot vital et peut se protéger comme il préfère. Il peut se piquer, se droguer s’il l’estime juste mais il ne peut cependant jamais imposer aussi à l’autre de se piquer, de se droguer, de s’altérer …

C’est évidemment le désir de tous de préserver sa santé le plus possible. Et c’est le choix de beaucoup aujourd’hui de prolonger leur vie le plus longtemps possible en utilisant tous les moyens offerts (quitte ensuite à désirer l’interrompre volontairement par l’euthanasie pour y mettre fin !). Je comprends ces réflexes et je les respecte. Ce n’est pourtant pas mon souhait, ni de prolonger l’existence à tout prix, ni de l’interrompre artificiellement. Je sais les méandres de mon chemin et je préfère accepter mes propres fragilités physiques ou psychiques même si j’essaie de les maîtriser de mon mieux. Je sens que je suis maintenant au crépuscule de mon séjour ici-bas et je me prépare sereinement au passage du Styx pour les Champs Élysées des morts. Colmater dignement encore les brèches de mon vaisseau, oui peut-être, mais sans repousser les choix de son capitaine qui refuse toute obligation servile car il souhaite une vieillesse la moins artificielle possible et considère la mort comme encore un instant de vie …

Pascal JACQUOT

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