Le devoir de vigilance sacrifié au nom de la compétitivité !

La loi européenne sur le devoir de vigilance va-t-elle survivre à l’offensive lancée par la Commission européenne avec la réglementation dite « Omnibus » ? La Commission européenne vient de rendre publique une proposition législative revenant sur des avancées obtenues en matière de protection des droits humains et environnementaux ! ....

CCFD – Terre solidaire    –   EUROPE

La loi européenne sur le devoir de vigilance va-t-elle survivre à l’offensive lancée par la Commission européenne avec la réglementation dite « Omnibus » ? Adoptée en mai 2024, la directive sur le ‘devoir de vigilance’[1] impose aux multinationales, leurs filiales et leurs fournisseurs d’identifier et d’évaluer les risques et les impacts de leurs productions sur les droits humains et l’environnement. Elle est le fruit d’un long combat mené après l’effondrement du Rana Plaza qui avait tué plus de 1100 personnes en 2013 au Bengladesh. D’autres drames, comme celui du barrage de Brumadinho au Brésil en 2019 ou les milliers de morts sur les chantiers de la Coupe du monde de football au Qatar en 2022 auraient pu être évités grâce à ces règles contraignantes pour les entreprises. Or en novembre 2024, la Commission européenne a rendu publique sa proposition Omnibus. Pourquoi une telle remise en question d’un texte protecteur, bien qu’imparfait, des droits humains et de l’environnement ?

Dérégulation

Les entreprises concernées, à travers les organisations patronales telles que le Medef en France, s’appuient sur le rapport rendu à la Commission européenne par Mario Draghi, l’ancien président de la Banque centrale européenne, pour appeler à une simplification des normes communautaires qui entraveraient la compétitivité du continent par rapport à la Chine ou aux Etats-Unis. Ce message, également repris par des chefs d’Etats et de gouvernements, a aujourd’hui le vent en coupe. Sous couvert de simplification, c’est bien d’une dérégulation qu’il est question. Ainsi, concernant la directive sur le devoir de vigilance en matière de durabilité des entreprises (CSDDD), la proposition réduit son champ d’application et s’attaque aux mécanismes permettant de contrôler, sanctionner et tenir pour responsables sur le plan civil les entreprises en cas de faute.

Parmi les détricotages : la chaîne d’activité couverte par le devoir de vigilance est désormais limitée aux seuls partenaires directs ; l’évaluation régulière de sa situation par l’entreprise, qui devait être effectuée tous les ans, passe à cinq ans ; la suppression de l’obligation de mettre en œuvre les plans de transition climatique ; la suppression de l’obligation faite aux Etats-membre de permettre aux victimes d’obtenir réparation et aux ONG de les représenter, etc. Les ONG, dont le CCFD-Terre Solidaire, continuent, elles, à défendre la directive. Leurs craintes ? Voir ce texte vidé de sa substance sous couvert de simplification. « Le gouvernement français s’est même prononcé pour un report sine die », souligne Jean-François Dubost, directeur du plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire. La position française est d’autant plus incompréhensible que, jusqu’à la dissolution de l’Assemblée nationale, elle a défendu ce texte, même si elle a œuvré en coulisse pour en limiter la portée.

Quelques pays, dont l’Espagne, les Pays-Bas ou la Belgique ainsi que le Commissaire Européen en charge du climat, continuent de défendre le texte, tout comme les députés à gauche de l’hémicycle, et la société civile. Un contrepoids suffisant ? « Quoiqu’il arrive, les obligations pesant sur les entreprises ne disparaitront pas », pointe Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à tous, rappelant comment les tribunaux néerlandais ont réussi à faire condamner Shell sans avoir, à l’époque, une loi sur le devoir de vigilance.

Laurence Estival


CCFD – Terre solidaire   

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