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Envisager son vieillissement comme une expédition –
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Pourquoi, un soir de cet automne, ai-je alors pensé : « Je veux bien être devenue vieille » ? D’accord, je prends la vieillesse et son corps déglingué, mais je prends aussi l’inconnu qui va avec elle ! J’avais oublié l’inconnu qui va avec elle : J’avais oublié l’inconnu. N’oublie pas l’inconnu. Et j’ai longuement pensé à l’inconnu devant moi, et la vieillesse m’a semblé devenir une expédition en zone inconnue. Je l’ai pris comme ça. Je me suis dit : « Je vais écrire le livre de cette expédition »…
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Se laisser tirer par son désir
C’est alors que j’ai pensé au désir : est-ce qu’il est toujours là, le désir ? Bien sûr qu’il est là. Il est toujours là. Qui me sort encore du lit, le matin ? Qui me tire dehors, pas loin mais quand même ? Qui m’appelle là-bas ? Lui. Le désir. Je désire encore le dehors de façon démesurée. J’ai donc aussi le désir pour moi.
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Quelque chose à attendre encore…
Il y a devant moi quelque chose à attendre encore, je le sais à mon cœur, encore lui. Au réveil, il bat plus vite, et je le sais au plaisir âpre que je devine et qui m’attire là-bas, plus loin, au bout, tout près. Oui, ça, et rien d’autre. Une nouvelle équipée avec mon corps, avec ce qui reste de mon corps. Nos corps usés, troués, en loques, entre leurs accrocs, leurs ellipses, restent de petits cosmos.
Claudie Hunzinger
Un chien à ma table – Grasset
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Merci à Jacques pour le partage de cette page …