par Michel Maxime Egger
La pandémie de Covid-19 dépasse largement le cadre médical. Elle agit comme un avertissement, un signe des temps que nous devons prendre très au sérieux : si nous laissons filer le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité et l’explosion des inégalités, nous irons vers des dégradations bien plus graves et irréversibles. Le coronavirus a une dimension apocalyptique au sens premier du terme : il dévoile et révèle les faiblesses d’un monde hyperglobalisé et coupé du vivant, dont on n’a pas respecté les lois. Il nous montre l’importance du lien et de la résilience qui se construit, précisément, dans la coopération et le soin apporté aux autres. Il nous appelle, de fait, à redéfinir en profondeur ce qui est essentiel à nos destinées.
Cela implique d’abord de se poser, individuellement et collectivement, la question du sens de la vie. Le coronavirus nous renvoie à notre fragilité et nous interroge : pourquoi je vis et pourquoi je vais mourir, tôt ou tard ? Pourquoi je suis cela ? A quoi je sers ? Quand on demandait au théologien Raimon Panikkar : « C’est quoi le sens de ka vie ? », il répondait, sur le mode de l’évidence : « Mais c’est la Vie, en majuscule ! ».
D’abord une vie insufflée par une puissance de désir réorienté, désaliéné. Notre désir profond –d’amour, de beauté, ou encore de justice- est d’ordre spirituel, il a une dimension d’infini, d’absolu qui ne peut être satisfaite par le marché et la consommation. Voilà qui condamne d’emblée le système CPC (croissanciste, productiviste et consumériste). Ensuite, une vie reliée à toute la communauté du vivant, des êtres humains et non humains, où ceux-ci ont leur place. Avec le coronavirus, on sait maintenant combien la déforestation et la perte de territoires des animaux sauvages sont une bombe à retardement. Enfin, la vie belle et bonne est pour moi une vie où l’on s’ouvre à ce qui, dans notre être profond et dans la nature, est bien plus grand que ce qui respire, vit et meurt. Bref une vie attentive à l’Esprit, à son souffle. Il nous invite à une vie de communion …
La réorientation de notre désir, l’écoute de notre désir essentiel (ontologique) nous conduisent à désirer mieux, à distinguer l’essentiel du superflu, à faire le tri entre les sources secondaires et les sources primaires de satisfaction. Les premières –dans lesquels j’inclus non seulement les biens de consommation mais aussi toute la quête de valorisation de soi au détriment des autres- nourrissent l’hubris (la démesure), caractéristique de ce monde. Elles sont de l’ordre de l’avoir. Les secondes ne peuvent s’acheter et sont de l’ordre de l’être. Dit autrement : ce qui nous satisfait le plus et nous fait vraiment vivre a partie liée avec les grandes valeurs : l’amour, l’amitié, le souci des autres, de la justice, la contemplation du beau …
(Extrait, La Vie n° 3924)