avant la grande catastrophe Par Pierre Lagnel
… L’apparition du virus prend place dans la multiplication des zoonoses depuis vingt ans. Leur point commun ? Elles résultent de la déforestation qui met en contact les hommes avec des virtus qui, jusque -là, restait au centre des forêts tropicales.
La focalisation sur la croissance économique, sorte de religion laïque de notre temps, encourage l’exploitation de la biosphère, sans être capable de voir plus loin que les résultats financiers du prochain trimestre. Elle légitime aussi l’exploitation de franges importantes de la population. Celles-ci sont pauvres ou modestes, souvent issues des minorités ethniques, assignées aux tâches subalternes et disposant d’une santé fragile ; ou plutôt fragilisée par le stress, l’alimentation industrielle, la fatigue, les mauvaises conditions de logement, l’absence de prévention sanitaire, etc.
C’est ce dernier aspect qui a fait dire à l’éditorialiste Richard Horton, du magazine médical de référence The Lancet que nous n’étions pas en présence d’une pandémie, c’est-à-dire d’une maladie qui toucherait tout le monde et qui causerait la perte d’une partie de la population. Non, nous serions face à une syndémie, c’est-à-dire à plusieurs épidémies qui, jusqu’ici restaient cachées : « L’état de santé de la population française, pour se concentrer sur elle, est en fait bien moins bonne qu’on ne le pensait, à cause d’une véritable épidémie de maladies chroniques, comme les cancers, le diabète, etc. » explique à Golias Hebdo l’économiste Eloi Laurent.
De même, la crise actuelle révèle toute l’ampleur des inégalités de santé, qui se distribuent le long de l’échelle des revenus. « Ce qui constitue une sorte d’épidémie », ajoute Eloi Laurent. Ces éléments sont liés au mode d’organisation de la société et notamment sur l’accent mis sur l’exploitation des ressources naturelles et des hommes. Et c’est à une révision des priorités qu’il faut s’atteler, comme le préconise l’économiste.
Contrairement à ce que prétendent la communauté des éditorialistes et les ministres, la solution technique du vaccin ne résoudra rien. Et elle n’empêchera pas d’autres virus de circuler à l’avenir … Il ne s’agit que d’une illusion qui ne prend en compte ni la justice ni l’efficacité. La révision des priorités suppose une revitalisation de la démocratie. Or, ce n’est pas la voie qui est prise par le gouvernement. Sa gestion de la crise est symptomatique : sa stratégie n’est pas soumise à débat au Parlement, aucune analyse des mesures prises et de celles qui n’ont pas été prises n’est faite publiquement et de manière contradictoire …
– Golias n°656 du 21 01 2021 https://www.golias-editions.fr/