Par M.T. ABELA
« Je crois qu’il y a chez tout humain une dimension intérieure, transcendante, spirituelle que certains expérimentent. Cet être intérieur est nommé selon les cultures: Dieu, l’Esprit, la Nature de Bouddha, la Vie Éternelle, le Soi Profond, le Souffle, l’Énergie Divine, la Réalité Ultime, l’Être Essentiel…
Je crois que l’humain est un être inachevé en cours d’accomplissement. Rejoindre cette dimension intérieure est un chemin de réalisation de soi. Cette quête spirituelle se fait pour certains au sein d’une religion, pour d’autres, et de plus en plus, en dehors de toute religion.
Je crois que, si elle est accueillie, l’énergie divine habite la personne et l’incite à participer à la transformation du monde. Prier, c’est rejoindre le divin en soi, écouter en profondeur qui on est. Ce n’est pas s’adresser à un être extérieur. Jésus ignorait tout de ce qu’on proclamerait après sa mort : le Messie, Dieu fait homme, le Verbe incarné, le Christ ressuscité…
Pour moi, comme pour les disciples qui l’accompagnaient, Jésus n’était pas Dieu mais peut-être peut-on dire qu’il était fils de Dieu en ce sens qu’il était en relation avec son être intérieur divin qu’il appelait “Père” et qui inspirait sa vie. C’est vrai aussi de beaucoup d’autres personnes qui vivent reliées à leur être essentiel. L’homme Jésus est mort et maintenant absent, mais le souvenir de ses paroles et de ses actes peut éclairer une vie de croyant ou de non croyant et l’aider à s’accomplir.
Je crois qu’après sa mort, Jésus a rejoint le monde divin comme nous sommes tous appelés à le faire mais sans savoir en quoi ce monde consiste.
Je crois qu’on ne peut rien dire de Dieu. Il est inconnaissable, indicible, incommunicable, donc tout discours sur Dieu est vain. Dieu n’intervient pas dans nos vies ni dans la marche du monde. Il ne peut rien à la souffrance des hommes. Mais s’il est Source de l’Être, relié à cette source, l’homme peut s’accomplir et participer à l’accomplissement de l’humanité. »
M. Thérèse ABELA
Le texte ci-dessous est une réaction au langage que j’entends en milieu chrétien notamment au cours des célébrations.
DIEU.
Pour moi, Dieu est Mystère. Il est l’Inconnaissable, l’Indicible. “Pourquoi jacasses-tu au sujet de Dieu ? Tout ce que tu peux dire de lui est contraire à la vérité.” (Maître Eckhart) “De Dieu, on ne peut rien dire.” (Karl Rahner). Donc arrêtons d’en parler sans cesse.
Mais l’homme peut se laisser habiter par ce mystère de Dieu, même sans le connaître. Il est “ce qui est de moi, qui ne pourrait être sans moi et qui n’est pas que de moi.” (M. Légaut).
Je peux alors parler de divin en l’homme, d’énergie divine, de souffle créateur, de réalité ultime, du moi profond, du moi essentiel, du Soi, du Je, de l’Etre…”Dieu ne fait pas nombre avec l’homme” disait Maurice Bellet. Je souscris.
Mais le langage qui fait de Dieu un personnage extérieur dont on décrit le fonctionnement et auquel on attribue des qualités et des sentiments humains me le rend étranger.
Ainsi, et pour cette raison, je ne peux pas dire :
.Dieu est Trinité ;
.Dieu est père (ou mère) ;
.Dieu nous aime ;
.Dieu s’est fait homme ;
.Dieu accueille, pardonne ;
.Dieu est créateur, tout-puissant, glorieux ;
.Dieu est faible, fragile, vulnérable ;
.Dieu possède le règne, la puissance et la gloire ;
.Dieu veille sur la vie des hommes et du monde ;
.Dieu veut que…, attend de nous que…, appelle l’homme à… Dieu est mort sur la croix (chant à St Bernard).
Pour moi, il n’y a ni parole de Dieu, ni gloire de Dieu, ni dialogue avec Dieu, ni manifestation de Dieu puisque Dieu ne m’est pas extérieur.
Tout ce langage très anthropomorphique appliqué à Dieu me gêne et il a pour moi des relents d’idolâtrie. Pourtant c’est le langage courant de l’Eglise et beaucoup s’y sentent à l’aise…
JESUS
A l’instar des premiers disciples, je ne crois pas que Jésus soit Dieu.
Pour moi, il est un homme, seulement un homme, mais un homme qui a su se laisser complètement habiter par le divin (qu’il appelait abba). Il est ainsi devenu un humain totalement accompli, comme nous sommes tous appelés à le devenir.
C’est le Jésus de l’Evangile, avant l’Eglise et avant les dogmes qui m’intéresse et non les titres qu’on lui a attribués depuis (le Christ, le Fils unique de Dieu, le Sauveur…) et qui risquent d’occulter l’authenticité de son humanité.
J’aimerais, quand on fait ensemble mémoire de Jésus, qu’on se réfère seulement au Jésus de l’Evangile et à son message.
J’aimerais qu’on utilise le récit du dernier repas rapporté par Luc (la plus ancienne des formulations au dire des historiens): “et quand ce fut l’heure, il se mit à table et ses disciples avec lui. Après avoir reçu la coupe et rendu grâce, il dit: “Prenez-la et partagez entre vous, car, je vous le dis, je ne boirai plus désormais du produit de la vigne, jusqu’à ce que vienne le Royaume de Dieu.” (Luc, 17-18).
On ferait alors passer le pain et le vin en disant simplement: “Le pain en souvenir de Jésus. Le vin en souvenir de Jésus.” Ou toute autre parole évocatrice de Jésus.
Et surtout qu’on ne parle pas de corps du Christ, ni de sang versé pour la rémission des péchés, ce que Jésus
n’a sans doute jamais dit, ni pensé.
M. Thérèse ABELA