Valeurs universelles ;

Grandeur et fragilité de l’être humain

Malgré toutes les épreuves, tous les drames actuels, pouvons-nous accepter et reconnaitre notre fortune de vivre une période singulière et particulièrement riche ? Jamais en effet jusqu’à ce jour, les infos, les connaissances, les circonstances ne nous ont permis d’avoir un horizon aussi transparent !

J’ai eu pour ma part la chance de naitre et de passer mon enfance dans une famille et un milieu catholiques. Une chance non pas pour la profession de foi affichée mais pour les valeurs spirituelles et républicaines vécues : intégrité, solidarité, droiture, justice, entraide … Par exemple, mon père a su accueillir dignement, dans sa ferme, un ouvrier polonais alcoolique, et, après la guerre, des prisonniers allemands qui étaient blanchis à la maison et mangeaient à notre table; et ma mère a aussi su ouvrir cette même table familiale à un colporteur algérien qui, pendant les douloureux évènements de nos départements d’outre-mer, vendait des tapis et passait à pied régulièrement à la maison le dimanche à midi …

Malel Tapisserie

J’aurais certainement pu découvrir des valeurs semblables dans d’autres milieux, en France ou dans le monde ; par exemple dans un milieu protestant en Ardèche, un milieu musulman ou soufi en Algérie, un milieu bouddhiste en Inde … Pendant ma jeunesse, j’ai vécu quatre ans au Gabon en pleine forêt équatoriale d’Afrique et j’allais parfois à pied sur une piste souvent non carrossable dans des villages reculés à l’accès difficile. Je ne comprenais pas le dialecte. Je savais la primarité de certaines des pratiques de ce milieu animiste, les sévices humains lourds comme l’excision, le mariage d’enfants ou de bébés. Mais j’y ai apprécié –oh combien- leur hospitalité généreuse : ces indigènes qui vivaient dans le dénuement, sous une paillotte sans confort, offraient en effet spontanément à l’inconnu que j’étais, au “blanc” symbole du riche, représentant leur colonisateur et pilleur du pays, le seul ananas mûr ou disponible de leur jardin ou le dernier œuf de leur seule poule pondeuse !

Mes déplacements et voyages successifs m’ont ensuite fait aussi découvrir des civilisations particulièrement florissantes : les Bamilékés au Cameroun,  les Aztèques au Mexique, les Inuits au Canada, l’ancienne Rome, la cité grecque d’Athènes, Split avec sa cathédrale sur le temple de Jupiter. Partout j’ai admiré des bâtiments prestigieux dont on visite les ruines, amphithéâtres, temples, colonnes, pyramides ; des édifices aux merveilles architecturales calculées avec précision, aux statues sculptées, décorées, au sol de mosaïques colorées …  Et je ne peux imaginer que les génies, les bâtisseurs qui ont réalisé de telles prouesses, qui ont voulu honorer un esprit, maitriser la foudre ou le tonnerre, peu importe que ce soit Apollon, Zeus, Vénus, des dieux ou un Dieu, Allah, Bouddha … , -fussent-ils des esclaves, des illettrés, des primitifs-,  n’aient pas aussi parallèlement le sens de l’entraide, le souci de protéger le frère, la tribu, de nourrir la famille, de soigner le voisin … Et je suis ébahi, subjugué par tant de capacités humaines, par la grandeur innée altruiste de ces êtres car l’homme porte en lui le désir de connaître, d’aimer, de donner et d’agir de façon exaltante ; et certainement aussi une aspiration à l’infini, à l’éternité, à l’absolu !

Les cultures successives se sont développées dans différents milieux et des êtres de valeur, fascinants, uniques, se sont manifestés au cours des temps : Bouddha, Jésus, Mahomet et bien d’autres, sans parler des ignorés ou oubliés … En Orient, au Moyen Orient, en occident, en Afrique, ces êtres ont donné parfois jusqu’à leur vie pour améliorer le sort de leurs congénères. Jésus est un juif qui a voulu corriger les préceptes trop rigides de sa tradition en valorisant l’homme et la femme en détresse ; Mahomet est une personnalité d’une intelligence, d’une habileté et d’une ténacité remarquables, avec un sens très fin des hommes et des situations … Ils n’ont pas souhaité une nouvelle religion mais leurs adeptes, tentés par le pouvoir, ont utilisé la caution de leur maitre spirituel pour imposer leur propre autorité : Jésus est devenu un « Dieu », Mahomet un « prophète intouchable» … Plusieurs siècles plus tard, les occidentaux avec leur civilisation chrétienne, croyant découvrir l’Inde dans le Nouveau Monde, ont alors déconsidéré les messagers Incas, n’ont pas retenu leurs découvertes, et ont voulu écraser leurs valeurs en construisant des cathédrales sur leurs temples pour détruire leurs cultes … Comme, dernièrement, les Djihadistes avec les vestiges mésopotamiens ou les basiliques cooptes !

Loin de moi de sombrer dans un syncrétisme religieux simpliste et facile.  Je ne voudrais surtout pas laisser croire une naïveté car je sais que l’homme peut être pervers et est aussi capable du pire. L’histoire nous enseigne bien des évènements horribles d’hommes ou de religieux célèbres : les raids musulmans dans la conquête de l’Espagne, les princes catholiques qui oublient leurs martyrs chrétiens pour mener inquisition ou croisades … Hier, Hitler, Franco, Pinochet ont chloroformé les responsables religieux catholiques … ; aujourd’hui, les dictateurs Poutine en Russie, Erdogan en Turquie, cajolent l’un les orthodoxes, l’autre les musulmans… Pour éviter de renouveler les erreurs du passé, il ne faut jamais oublier les tragédies de l’histoire !

Oui, le pouvoir centralisé est dangereux et il est essentiel que pouvoir politique et pouvoir religieux ne soient pas liés ; Le concept de la laïcité dont la France a la chance de bénéficier, peut éviter des abus pour que les valeurs reconnues des différentes communautés rassemblent alors que les pouvoirs absolus divisent et opposent … Comme nous le rappelle l’actualité : le peuple juif qui a tant souffert devient en Israël lui-même un oppresseur et des descendants de musulmans malmenés en Afrique sèment la terreur …

Comment alors vivre nos propres valeurs sans nous séparer automatiquement des autres convictions, sans ignorer les bonnes volontés que nous côtoyons ? Comment profiter des valeurs communes des différentes cultures sans alléguer les différends théologiques qui y sont liés ? Pour ma part, croyant en un Eternel ou un Infini qui est Amour, je ne peux cependant me résoudre aujourd’hui à entrer dans le rempart cloisonnant d’une religion qui impose ses certitudes et je me sens donc agnostique … Pourtant, dans ma culture, je devine l’étincelle du « Abba(1) » de Jésus comme l’Amour en marche de notre monde, ce père si chaleureux qui accueille sans réserve son fils égaré, cet employeur si juste qui reconnait l’ouvrier  de la 11ème heure. Aussi j’essaie de ne pas m’isoler, je chemine et participe humainement avec une communauté ouverte … et fragile ! Mais je me refuse de déifier ce Jésus, si exemplaire certes, mais qui ne me semble que le témoin actif et prodigieux d’une culture.

Pour clore cette page en souriant, puisque l’immensité sidérale nous permet d’évoquer maintenant de nouveaux « êtres » conscients et clairvoyants sur une planète encore inconnue, j’imagine que l’Eternel nous fasse un véritable pied de nez et nous offre déjà dans cet autre “nouveau monde ” un 2ème “Jésus” ! Ce prophète, appelé X, Y ou Z et tourné vers le même “Abba”,  renouvelle spontanément les valeurs universelles en faisant sien tout ce qui est positif et qui est à la fois juif, chrétien, musulman, bouddhiste, confucianiste, chamanique, ésotérique (2) ! Et il nous appelle encore à le suivre !

Pascal JACQUOT

[1] Jésus s’adresse à son Dieu par ce terme que l’on peut traduire par « petit papa chéri ».

[2] C’est-à-dire en un mot, « pré-nicéen ». C’est en effet au concile de Nicée, en 323, que l’Empereur païen Constantin 1er, qui s’est converti au Christianisme, impose sa volonté aux Eglises. Différents “dogmes” qui jugent, condamnent, excluent, anathématisent et divisent ont alors été ensuite promulgués successivement !

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