John Shelby Spong
Les mots dont nous disposons sont des mots humains limités par le temps, l’espace et notre expérience humaine. Et Dieu, quel qu’il soit, est évidemment au-delà de nos limites humaines. Plus nous le définirons de manière précise, moins nous serons exacts. Les hommes ne peuvent échapper aux limites humaines et ne comprendrons jamais ce qu’est la vie de Dieu. Je me suis toujours demandé comment nous pouvions nous efforcer de comprendre ce qui est au-delà de notre compréhension et pourquoi nous persécutions ceux qui comprennent autrement que nous. La seule chose que nous pouvons dire est ce qu’est pour nous la vie avec Dieu. On peut toujours parler d’une expérience humaine, puisqu’elle fait partie des limites de notre connaissance. Lorsque je dis Dieu, je parle de ce qui m’entraine au-delà des limites de l’humanité, de ce qui me rend capable de vivre, d’aimer et d’être. Lorsque quelqu’un demanda à l’auteur de la première Epitre de Jean de définir Dieu, celui-ci répondit « Dieu est amour ». Il me semble qu’il voulait dire par là que c’est l’amour qui permet la vie.
Les hommes ne peuvent pas créer de l’amour. Avant de donner de l’amour il faut d’abord en recevoir. On ne peut pas conserver l’amour qu’on reçoit. L’amour qu’on ne partage pas disparait. L’amour est un pouvoir qui nous relie à ce qui est au-delà de nous. L’amour est une puissance qui nous rend capable de franchir les limites de l’humanité et d’atteindre ce qui est transcendant. L’amour se manifeste toujours dans la préservation de la vie.
Peut-être devrions-nous arrêter de parler d’aimer Dieu ou d’être aimé par Dieu, puisque ces expressions suggèrent que Dieu serait un être. Il faudrait peut-être toujours relier notre expérience de l’amour à l’expérience de Dieu. Cela signifierait que le mot « Dieu » est une élaboration humaine destinée à caractériser notre expérience de la transcendance, et qu’elle nous appelle à nous engager plus profondément dans notre humanité.
Si Dieu est l’amour qui fait vivre, l’amour du prochain consiste à l’aider à vivre son humanité. A partir du moment où l’on dépasse le problème du langage et où l’on ne parle plus de Dieu en soi, mais de notre vie avec lui, on peut reprendre sur cette base l’histoire de Jésus et comprendre pourquoi Jean lui faisait dire « Qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jean 10,10).